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Hommage à Henri Dubois

Je m'exprime ici comme représentant de mes anciens collègues de l'université, physiciens ou autres, et comme porte-parole de nos amis de l'ASAP (notre association des anciens de l'université) très émus de la disparition d’Henri.

Henri, je te connais depuis près de 60 ans.

Mais à partir des années 1975, tu m'as entraîné dans beaucoup de tes "innovations", à l’université d’abord et à l'association plus récemment.

Au milieu des années 1970, pour aider les étudiants de physique à trouver un emploi, tu as l’idée du "DEUG Alterné" et quelques années plus tard, tu crées la maîtrise "Mesures et Contrôle". Ces formations sont basées sur un enseignement académique rénové et s’appuient sur des stages en entreprises destinés à rapprocher les élèves de leurs futurs employeurs.

L’alternance, on en parle encore aujourd’hui et les stages ont été maintenant généralisés à pratiquement toutes les formations.

Mais pas facile à priori de convaincre les collègues, pas facile de trouver des stages. Malgré tout l’idée paraît tellement aller de soi que tu trouves les deux : des enseignants et des entreprises.

Des enseignants, tu en trouves parmi les jeunes, plus faciles à convaincre.

Je fais alors partie de ceux-ci et après avoir collaboré au nouveau Deug, tu me suggères d’écrire un cours et des travaux pratiques sur « l’initiation aux microprocesseurs » car tu savais que dans le cadre de l’automatisation de matériels de labo, j’utilisais ces composants.

Des entreprises, il y en a pas loin de la fac. Par exemple France Télécom dont la direction régionale est à proximité. Tu prends contact avec eux et sentant venir un besoin dans ce domaine, tu crées le DESS « Réseaux câblés ».

On va jusqu’à tirer une fibre optique entre leur labo et une salle de TP du campus.

Et tant qu’à tirer des câbles et des fibres pourquoi ne pas étendre cela sur l’ensemble du campus. Ce qui est fait aussitôt. On est alors à peine dans les années 1990. On verra que ton intuition était excellente et la technologie choisie tout à fait pertinente.

Mais pourquoi se limiter au campus. À l’université, il existe des pôles régionaux qui préfigurent les futures universités régionales.

Par exemple à Dunkerque : j’y enseigne en DEUG. Ton idée d’alors était de tester une communication vidéo par liaison hertzienne. Le but était de montrer aux élèves des expériences de cours. Celles-ci, animées dans un labo à Lille, sont projetées sur grand écran là-bas. Des cameramans avec micro assurent de chaque côté l’interactivité. On a réussi comme ça quatre ou cinq manips, des opérations courantes de nos jours mais pionnières à cette époque.

Devenu vice-président chargé des formations à l’université, tu es à l’origine de la construction d’un bâtiment spécifique qui accueille tous les DESS (les masters actuels). Ce bâtiment, comme une vitrine de l’université, sert aussi à recevoir les correspondants des entreprises et à encourager la pluridisciplinarité entre les différentes matières (là encore une vision d’avenir !). C’est là qu’agissent Marie-Odile Descamps pour l'accueil et le secrétariat et Jean Di Persio comme correspondant universitaire.

Et la coopération avec France Télécom va déboucher sur la création de l’ENIC (École nouvelle d’ingénieurs en communication, aujourd’hui Télécom Lille) dont tu es le père avec Jean-Claude Damien (côté universitaire) et Pierre Giorgini (pour France Télécom) qui en seront les futurs directeurs.

En 1996, je suis depuis peu directeur du CRI (Centre de ressources informatiques), un centre sans matériel ou presque : le gros ordinateur a été démonté et il ne reste que deux machines que les informaticiens ont appelés par dérision « Alpha et Oméga », un centre sans ressources propres, un centre avec du personnel très compétent mais dans l’expectative.

C’est là de nouveau que les réalisations de câblage que tu as initiées, vont jouer un grand rôle. Le réseau de fibres va permettre la liaison entre un futur gros ordinateur central et les terminaux disséminés dans les labos. Et de surcroît, en tant que vice-président, tu vas faire en sorte de doter le centre d’une ligne particulière dans le budget de l’université. On peut appeler cela « un suivi jusque dans les détails ».

Parallèlement, avec ton appui, se développent les TIC (Technologies de l'information et de la communication) et un nouveau service va voir le jour sous l'impulsion de Monique Vindevoghel et de Jean-Marie Blondeau.

Ainsi depuis les premières années d'enseignement jusqu'aux masters, toute une filière, sans oublier les infrastructures et les outils, tu participes au développement de l’université et tu sais entraîner ici et là les acteurs de ce développement.

Mais formidable lanceur de projets, tu sais laisser à d'autres le soin de les faire vivre en toute autonomie.

Je reprends ici les propos de Jacques Duveau (ancien président de l’Université) : « Visionnaire et créatif, Henri l’était incontestablement mais il y a un autre aspect que je voudrais souligner. C’est celui du souci de la transmission. Henri ne se considérait pas comme propriétaire de ce qu’il avait réalisé. Il a su repérer les talents pour poursuivre ce qu’il avait engagé en s’inscrivant complètement dans une logique de service public ».

À sa retraite Henri fut président de l’ASA de 2003 à 2007.

En 2006 j’avais entendu parler du voyage fameux et atypique qu’il avait organisé en Roumanie. Ce qui a motivé mon inscription. Et là, je découvre un foisonnement de nouvelles idées : les ateliers : chorale, patchwork, informatique, peinture, terre et mosaïque dont tu seras l’animateur jusqu’à l’an passé et le créateur d’œuvres magnifiques. Puis les conférences que tu appelles « Rendez vous 17 - 19 ».

C’est aussi à cette époque qu’est créé le prix mis en place grâce au don d’André Lebrun.

L’activité voyage est renforcée... avec ambiance : on se souvient du limoncello en Sicile, de la vodka en Pologne ou à l'occasion d'un whisky bien tourbé.

Sans vraiment insister, tu m’as suggéré d’aider à alimenter le site web de l’association. Un peu inconsciemment je me suis embarqué dans cette tâche qui encore aujourd’hui me colle aux doigts comme le sparadrap aux doigts du capitaine Haddock.

Et puis tu as motivé un successeur en la personne de Jo (Joseph Losfeld) qui t’a succédé comme président de l'ASA et qui est, lui aussi, devenu ton ami. Sous l'impulsion donnée, le nombre d'adhérents a grandement augmenté et les activités n'ont fait que prospérer.

Pour toi, optimiste et jamais à court d'idées, il n'y avait pas de problèmes, mais seulement des solutions.

Les solutions d’un « sage » qu’on avait plaisir à consulter.

Tu nous manques déjà.

Nous pensons beaucoup à Danielle, à sa famille, à ses petits et arrières-petits-enfants.

Ta disparition va laisser un grand vide.

Tu vas manquer à beaucoup de monde.

Mais ton souvenir restera bien vivant encore longtemps.

Marcel More