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Actualités sur la collection des anciens instruments scientifiques : Les plaques de Lippmann, un procédé photographique innovant et un trésor pour l’Université.
La découverte

À l’intérieur d’un coffret en bois de fabrication sommaire, dans une cave du bâtiment P1, dormaient depuis des années des plaques de verre fixées sur des supports en bois. Guy Séguier avait inventorié cet ensemble sous le nom « Photos de Lippmann ». À mon arrivée vers 2009, j’avais vu ces objets qui me semblaient sans grand intérêt. Je connaissais les travaux de Lippmann sur les tensions de surface mais, à tort, je n’avais pas cherché à en savoir plus sur les activités multiples de ce savant. Plus tard, lors d’une visite de Bernard Dupont accompagné de Sophie Braun, celui-ci s’est écrié : « Mais ce sont des plaques de Lippmann, c’est un vrai trésor que vous avez là ! ».

 

Les plaques de Lippmann ne sont ni des Daguerréotypes ni des photographies couleurs. Elles utilisent un procédé innovant qui enregistre les spectres de la lumière des objets observés ; ces spectres permettent ensuite de restituer toutes les couleurs.
 

 

Il y a 5 supports en bois, de facture grossière, comprenant chacun 3 plaques côte à côte.
Les supports mesurent 30 cm de long et chaque plaque fait 85mm x 65 mm avec une épaisseur de 10 mm compte tenu du prisme d’observation. Ils sont munis de quelques crochets en cuivre pour tenir les plaques ainsi que de parties cylindriques pour orienter les plaques afin d’optimiser les conditions de visualisation.

Ces plaques auraient été réalisées par Auguste Ponsot (1846-1907) qui a été chargé d’un cours de physique à l’Institut de Physique de Lille de 1904 à 1907. Il a passé sa thèse sous la direction de Gabriel Lippmann (1845-1921) et a travaillé au laboratoire de physique de la Sorbonne. Ses réalisations reposent sur la méthode de Lippmann et il a publié ses travaux à partir de son arrivée à Lille. Ceux-ci ont été rendus publics à l’Académie des Sciences par G. Lippmann lui-même.

À l’Institut de physique de Lille, le professeur René Jean Schiltz (1917-1993) a utilisé ces plaques dans un but pédagogique lors de ses cours d'optique et de PCB dans les années 1950-1960.

 

 

Le procédé
Gabriel Lippmann a présenté en 1891 un procédé qui permet, sans avoir recours à des colorants, d'enregistrer le spectre d'une image en couleurs, en utilisant une méthode interférentielle liée à un phénomène physique d'ondes lumineuses stationnaires. Il a obtenu le prix Nobel de physique en 1908 pour ce procédé innovant.
Une émulsion photosensible noir et blanc à base de nitrate d'argent et de bromure de potassium comportant des grains très fins (taille < 0,05 µm) est utilisée comme matériau pour la couche sensible sur une plaque de verre. La face côté couche de cette plaque est placée au contact de mercure. L'interface couche-mercure joue le rôle d'un miroir.

Pendant la pose photographique, les rayons issus de l’objet sont envoyés dans la couche photosensible. Les rayons incidents formant l'image, interfèrent avec les rayons réfléchis par le miroir. Il en résulte des ondes lumineuses stationnaires, dont l'amplitude varie en chaque point de la plaque dans l'épaisseur de celle-ci. Pour une longueur d'onde donnée λ, il existe, dans l'épaisseur de la couche des ventres (V) et des nœuds (N) des ondes stationnaires. La distance entre les ventres (et entre les nœuds) est λ'/2, avec λ'=λ/n où n est l'indice optique de la couche. La distance entre un ventre et un nœud est λ'/4. Les grains d’argent se concentrent dans les plans ventraux V créant ainsi des strates dont les dimensions sont liées aux longueurs d’ondes. La figure suivante montre les positions des ventres et des nœuds pour trois longueurs d’onde. Lorsque la prise de vue est terminée, la plaque est développée et fixée au moyen de réactifs utilisés en photographie.

L’observation
Pour visualiser une image, on regarde par réflexion la plaque éclairée par une lumière blanche. On retrouve alors l'image avec ses couleurs fidèlement reproduites. Pour éviter les réflexions parasites lors de l'observation, un prisme d'angle 10° est collé au baume du Canada sur la face avant de la plaque. La figure suivante montre le banc proposé à l’époque pour l’observation. Une lanterne envoie un faisceau lumineux vers la plaque. La lumière réfléchie passe éventuellement par une lentille qui sert de loupe. La personne regarde à travers l’orifice d’un écran placé suivant la direction qui offre la meilleure réflexion. L’observation doit en effet se faire sous un angle assez précis. Ce procédé présente l’avantage d’obtenir un enregistrement du spectre visible de l'image. Il permet de reproduire les couleurs de manière directe, et non indirecte, sans l'aide de la synthèse trichrome. De façon simple, on peut dire que ce procédé effectue une photographie des couleurs et non une photographie en couleurs.

 

L’exploitation des plaques à l’université
Dans les locaux du Département d’innovation pédagogique, Jean-Marie Blondeau et Damien Deltombe ont mis au point un banc d’observation de ces plaques. Ils ont d’abord pris des photos de la lumière réfléchie par les plaques et ensuite ils ont projeté sur grand écran dans une salle semi obscure cette lumière sur un grand écran. La restitution des couleurs est magnifique comme en témoignent les photos suivantes.

 

Bien que la méthode de Lippmann soit très performante, elle présente des contraintes et des limitations pour l’exploitation. Ses inconvénients sont la difficulté de mise en œuvre, le peu de sensibilité, le taux d'échec assez important dans la réalisation des plaques et l'impossibilité de faire des tirages papier. Ces problèmes et l'arrivée du procédé des Frères Lumière ont fait qu'il n'y a pas eu de développement industriel de la méthode de Lippmann malgré la qualité remarquable du rendu des couleurs.

La prochaine exposition
Signalons qu’une exposition sur ce thème, que prépare déjà notamment Sophie Braun, aura lieu à l’Espace Culture de l’Université courant 2023.


Pour la Commission patrimoine
Christian Druon
Jean-Claude Pesant

avec :
R. Jossien, D. Leclercq, J. Noyen et le fondateur de cette collection, G. Séguier

Sont citées dans cet article les personnes suivantes :
-Sophie Braun, Chargée du patrimoine scientifique, Direction Culture, Université de Lille.
-Bernard Dupont, Maître de conférences honoraire en Économie, Président de la Société photographique de l’Université de Lille (SPUL), membre de l’ASAP.
-Jean-Marie Blondeau, Enseignant de physique à l’Université de Lille, retraité, membre de l’ASAP.
-Damien Deltombe, photographe et vidéaste, Direction de l’innovation pédagogique, Université de Lille.

 

Actualités sur la collection des anciens instruments scientifiques : apport de l’ENSCL

Notre collection possède deux machines électrostatiques de Wimshurst (voir site PHYMUSE, rubrique Électricité-Électrostatique). La plus ancienne (datée de 1900) est exposée dans une vitrine de la salle du patrimoine. L’autre (datée de 1930-40) a été utilisée lors de démonstrations pédagogiques et méritait une restauration afin de la rendre fonctionnelle en vue d’expositions. Elle était en mauvais état : plus de courroies, mécanisme bloqué et verres des bouteilles de Leyde cassés. Il a été possible de remplacer les courroies et de remettre en fonction le mécanisme mais malheureusement il restait le problème des verres cassés. Je cherchais depuis des années, sans succès, un souffleur de verre qui aurait pu nous dépanner, quand il y a quelques mois, mon collègue Michel Morcellet m’a dit qu’il y avait à l’École Nationale Supérieure de Chimie de Lille (ENSCL) non pas un souffleur mais une souffleuse de verre !

J’ai pris contact avec cet établissement et j’ai découvert au sous-sol du bâtiment C7A un atelier de soufflage du verre tenu par Maïa Matsakis. Cette jeune dompteuse du verre, en poste depuis 2017, a bien voulu refaire les deux bouteilles de Leyde à partir de tubes de verre. Grâce à son amabilité et à sa dextérité, la machine de Wimshurst fonctionne maintenant parfaitement puisqu’elle peut fournir des arcs de plusieurs cm de longueur.
 De plus, Maïa qui est en train de restructurer son atelier nous a fourni un lot d’instruments en verre qui viennent compléter nos collections.
 

Cette première rencontre avec l’ENSCL a donc été très fructueuse. Ensuite, il y en a eu un deuxième contact car récemment, Madame Rose-Noëlle Vannier, directrice de cet établissement m’a envoyé un message pour me demander si j’étais intéressé par d’anciens appareils de mesure de cristaux par diffraction de rayons X. Elle me disait qu’elle avait sauvé ces instruments de la benne et qu’elle les tenait à notre disposition. Nous avons ainsi récupéré quatre appareils dont celui présenté sur la photo jointe. Il s’agit d’une chambre de Guinier De Wolf (datée de 1950-80) pour l’étude cristallographique de matériaux. L’échantillon cristallin sous forme de poudre est déposé sur un adhésif placé sur le porte échantillon. Le système permet de sélectionner une longueur d’onde grâce à un monochromateur. Un film photographique placé sur la paroi latérale interne d’un demi-cylindre enregistre les impacts des rayons X diffractés. L’appareil permet aussi une analyse sous vide.

Actualités sur la collection des anciens appareils scientifiques : le 1370ème appareil

Au mois de juillet dernier, j’ai été contacté par Jean-Yves Schonseck qui travaille à la Direction Générale Déléguée au Numérique de l’Université de Lille (Pont de Bois, ancien Lille 3). Il m’informait qu’il disposait d’anciens appareils acoustiques ayant appartenus au laboratoire de langues. Il détenait ces appareils suite au décès d’un de ses collègues qui lui-même les avait stockés dans son bureau pour éviter leur disparition. M. Schonseck voulait savoir si ces instruments méritaient d’être sauvés car il était prévu de mettre à la benne prochainement les appareils inutilisés. Il y avait trois appareils dont deux très anciens et surtout le kymographe présenté sur la photo suivante.
 

Il s’agit d’un enregistreur de sons qui était en particulier utilisé pour l’analyse phonétique dans les laboratoires de langues. Il se compose d’un tambour cylindrique d’axe horizontal dont la rotation est commandée par un mécanisme d’horlogerie que l’on remonte à l’aide d’une clé. On enroule sur ce tambour une feuille de papier enduite de noir de fumée. Un chariot supporte deus stylets, disparus sur cet appareil, qui tracent des courbes liées au signal sonore à étudier.

La photo suivante montre une personne en train d’utiliser un kymographe pour enregistrer les sons qu’il émet en parlant.

On remarque que la personne est équipée de deux capteurs, l’un dans la bouche, l’autre dans le nez. Ces capteurs permettent d’envoyer les vibrations de l’air provenant de la bouche et du nez, dans des tuyaux, vers le kymographe. À l’extrémité de chaque tuyau, un transducteur transforme les vibrations de l’air en vibrations mécaniques d’une paroi. Un stylet fixé sur cette paroi, voit sa pointe vibrer au même rythme, et trace sur le papier noirci un enregistrement correspondant au signal sonore. Lorsque l’enregistrement est terminé, la feuille est enlevée du rouleau puis enduite d’un vernis protecteur. On obtient ainsi une sauvegarde papier de l’enregistrement sonore.

Un document de 1924 : « Principes de phonétique expérimentale » par l’abbé P. J. Rousselot, décrit de façon très détaillée le fonctionnement de divers instruments dont celui de ce kymographe.

interview