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Les morts de la guerre 14-18 de la Faculté des sciences de Lille

Par Marie-Thérèse Pourprix

Texte paru dans le bulletin del'ASA, fin 2018

Une cinquantaine d’étudiants de la Faculté des Sciences de Lille ont été tués pendant la guerre 14-18 alors que la Faculté comptait 270 étudiants inscrits en 1913.
En fait 58 noms (étudiants et personnels) figuraient sur une plaque déposée jadis à l’entrée de la Faculté, place Philippe Lebon.
Certains d’entre nous se souviennent de cette plaque qui, à ce jour, n’a pas été retrouvée.
Mais l’allocution du Doyen de la Faculté des Sciences, Albert Châtelet, lors de l’Inauguration de la plaque commémorative, le 11 juin 1922, a été imprimée.
À la Bibliothèque Municipale de Lille, la brochure de 16 pages (cote 32616) garde la trace de ces 58 morts.

La guerre a été déclarée le 1er août 1914. Le premier cité dans la brochure, et aussi premier tué, est Jean Clairin, professeur de mathématiques depuis 11 ans à Lille, membre élu au Conseil de l’Université. Il est tué lors de la défense de Cambrai, dans un combat de rue à Thun-L’Évêque, le 26 août 1914. Il avait 37 ans. Deux autres enseignants disparaissent. Paul Lemoult, 55 ans, brillant chimiste, est victime, avec les 147 ouvriers qu’il dirigeait, de l’explosion de l’usine d’acide picrique (poudre d’obus) de la Pallice, à la Rochelle, le 1er mai 1916. C’est une des plus importantes explosions de ce type en France de toute la guerre. Rappelons que l’explosion du dépôt de munitions de Lille (explosion dite « des dix-huit ponts ») a eu lieu en janvier 2016. Les décès de Clairin et de Lemoult ne furent connus que bien plus tard, sans doute par souci de préserver le moral de la population. Victor Sanson, préparateur de chimie appliquée, a suivi « son maître », Lemoult, à La Palice, et disparaît avec lui. Alphonse Buisine, directeur de l’Institut de chimie, 62 ans, est déporté dans le contexte des otages lillois. Durement éprouvé, il est hospitalisé un mois après son arrivée en Lituanie et y décède, le 19 mars 1918.

Louis Poiron et Raoul Lebrun se succèdent sur un poste de préparateur de chimie générale. Ils sont tués à un an d’intervalle, en septembre, en 1914 et 1915, dans la Marne. L’un et l’autre ont 21 ans. Elie Ducourant, attaché au laboratoire de chimie, décède de maladie contractée à la guerre, en 1919. Ernest Verbièse, garçon de laboratoire de géologie, est tué en avril 1915 à Ville-en-Woëvre.

Premier étudiant et deuxième tué de la Faculté, lors de la défense de Maubeuge, le 1er septembre 1914, Victor Hoérée venait d’obtenir son diplôme d’ingénieur chimiste. Il est dit que « son corps fut retrouvé par sa mère dans les tranchées, ramené par elle, et inhumé au cimetière de Roubaix ». Les 49 autres étudiants sont morts en Flandres, en Champagne, à Verdun, dans la Somme, au Chemin des Dames, etc. À la Faculté, ils terminaient ou venaient d’obtenir des certificats d’études supérieures (CES), une licence ès sciences ou préparaient l’agrégation. Onze d’entre eux faisaient ou terminaient des études d’ingénieur chimiste, dix d’ingénieur électrotechnicien et dix préparaient ou venaient d’obtenir PCN, certificat exigé pour les études médicales. Ils avaient entre 20 et 25 ans. Souvent plus âgés, des maîtres d’internat, répétiteurs, professeurs, directeurs d’école primaire supérieure ou d’école professionnelle complétaient leur formation ou préparaient un doctorat.

Certains parcours sont inattendus. Deux étudiants, engagés dans l’Armée d’Orient, sont tués en Serbie (actuelle Macédoine du Nord) par les Bulgares. Il s’agit d’Émile Fournier, diplômé de mathématiques générales et de première année d’électrotechnique, et de Fernand Testelin qui faisait des études d’ingénieur chimiste. Le corps de ce dernier « resta aux mains des Bulgares ».
Trois autres s’engagent dans l’aviation naissante et le paient de leur vie. Il s’agit de Marcel Vasseur, de Paul Langrand et de Robert Labbé de Montais. Ce dernier est « tué au cours d’un combat aérien » en Forêt-Noire, au-dessus des usines Mauser (fusils). Originaire du Loir-et-Cher, il venait de terminer ses études d’ingénieur électrotechnicien, ce qui confirme l’attrait, déjà remarqué dans un article précédemment paru dans ce bulletin, de cette formation lilloise pour des étudiants venus de loin.

Châtelet termine son allocution en évoquant la détermination et la conduite héroïque de certains d’entre eux, en citant leurs exploits, sans donner les noms.