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Maurice Chamontin

Le 5 juin 2024

Maurice Chamontin vient de nous quitter brusquement.

Son nom est inconnu des plus jeunes de nos collègues. Il fut pourtant une personnalité insigne de la Faculté des sciences et de la jeune université de Lille 1, qui lui doivent beaucoup.

Né en 1939, pupille de la nation, jeune orphelin à Le Teil, en Ardèche, dont il gardera le délicieux accent, ses dispositions l’amènent à l’École Normale d’Instituteurs, puis à l’École Normale Supérieure de l’Enseignement Technique (ENSET) de Cachan. Agrégé de mathématiques, détaché à la Faculté des sciences de Marseille, il est recruté en 1965, avec son épouse Françoise (ils auront deux fils, Laurent et Frédéric), parmi les jeunes assistants et assistantes normaliens que Michel Parreau et Georges Poitou font venir à Lille. Il y agit tout de suite pour faire vivre une Faculté puis une Université en mutation, notamment dans le renouvellement des manières d’enseigner (DEUG personnalisé). Secrétaire de la section du SNESup à partir de 1968, son calme, son humour, sa gentillesse, sa voix toujours égale, sa générosité et son humanité lui font vivre profondément son engagement dans le mouvement, tout en faisant en sorte qu’il ne se dévoie pas. Il est de ceux qui rédigent les statuts de cogestion de la Faculté et de ses départements - repris et affadis par la loi Edgar Faure - pour créer une université comme lieu de débats, d’enseignement, de recherche et de culture, insérée dans la société.

L’après 1968 le voit, toujours avec les mêmes calme et humanisme, s’engager pour ses convictions collectives et démocratiques : pour la défense des droits dans le « Secours Rouge » ; pour les droits des étudiants étrangers (il joue un rôle actif pour faire échouer la provocation préfectorale qui fait envahir le campus scientifique par les CRS, en mars 1971, entre les deux tours des élections municipales où Pierre Mauroy est élu à Lille) ; pour le droit des femmes à disposer librement de leur corps (il est l’un des fondateurs du MLAC – Mouvement pour la liberté de l’avortement et de la contraception) ; pour la création d’un Centre de culture scientifique, technique et industrielle (il participe à la fondation de l’ALIAS, devenue Forum des sciences, et en est le premier trésorier). Ses désillusions collectives ou individuelle le laissent toujours sans rancœur aucune et généreux.

Retraité, il se fixe à Paris avec sa seconde épouse, Élisabeth Deniélou et leur fille Noémie. Là, ils font partie des amis de l’Oulipo (Ouvroir de littérature potentielle), afin de « déjouer les habitudes et découvrir de nouvelles potentialités du langage ». Il est l’auteur de la « Vida tragique d'En Guilelm de B. », livre d’érudition et de plaisanterie, initiation aux poèmes courtois en langue d'oc et exercice à contraintes consistant à écrire une histoire cohérente pour lier entre eux les quelques bribes de poème laissés par un poète inconnu ou presque. Il vit la maladie et le décès de son fils Laurent avec beaucoup de souffrance muette et de dignité.

Les obsèques se dérouleront le vendredi 14 juin à 16 heures à la salle Mauméjean du cimetière du Père Lachaise à Paris.

Bernard Maitte et Jeanne Parreau