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La Mécanique des Fluides de 1930 à 1968

Par Gérard GONTIER
Professeur de Mécanique à l'USTL

  • Onera-Lille

 

Cet article se trouve aussi dans le fascicule téléchargeable (cliquer sur ce lien) : Contributions à l'histoire de la faculté des sciences de 1854 à 1970 par A.Lebrun, M. Parreau, A. Risbourg, R. Marcel, A. Boulhimsse, J. Heubel, R. Bouriquet, G. Gontier, B. Barfetty, A. Moïses, Histoire de la Faculté des Sciences de Lille et de l’Université Lille1 - Sciences et Technologies, Tome 1, 2011.

Nous sommes en 1929, dans un petit deux pièces situé au sous-sol du bâtiment de la Physique rue Gauthier de Châtillon à Lille ; c'est là que commence à fonctionner un laboratoire de recherche sur le comportement mécanique des fluides tels que l'air et l'eau par exemple : son directeur est le professeur Marie-Joseph Kampé de Fériet et, avec lui, collaborent le chef de travaux André Martinot-Lagarde et l'assistant Henri Guillemet. C'est un modeste début pour ce qui deviendra un peu plus tard l'Institut de Mécanique des Fluides de Lille (I.M.F.L.). A l'initiative du doyen MAIGE de la faculté des Sciences de Lille, cet Institut est créé par le décret du 26 mars 1930 : son enseignement prépare à deux certificats de licence, celui de Mécanique des Fluides et celui d'Aérodynamique Supérieure.

Le 23 juin 1932, le Directeur Général de l'Air, A. Caquot, pose la première pierre d'un bâtiment qui, grâce au Recteur A. Chatelet, sera construit avec les crédits de l''Equipement du Ministère de l'Education Nationale. Le bâtiment occupe un terrain fourni par la ville en périphérie lilloise. Il est inauguré le 7 avril 1934 par le Ministre de l'Air.

Dés le début, deux installations de bonne taille à l'échelle européenne sont mises en place : un bassin hydrodynamique de longueur 22 mètres et, avec la participation des établissements NEU spécialisés en ventilation à Lille, une grande soufflerie horizontale dont la veine d'expérience présente une section circulaire de diamètre 2,40 mètres. Un peu plus tard une soufflerie verticale de diamètre de veine 2 mètres est installée pour l'étude de la vrille des avions, il s'agit de savoir comment échapper au phénomène d'autorotation qui bouleverse les règles classiques du pilotage ; cette soufflerie est inaugurée le 8 avril 1938.

L'I.M.F.L. fonctionne au moyen de crédits accordés par le Ministère de l'Air pour les collaborations scientifiques extérieures et au moyen d'emprunts à l'Université. En 1938, le Groupement Français pour le développement des Recherches Aéronautiques (G.R.A.), est présidé par l'Ingénieur Général de l'Air. P. Dumanois, prend en charge la gestion de l'I.M.F.L.

A l'invasion allemande de 1940, l'I.M.F.L. reçoit l'ordre le 19 mai de se replier sur Toulouse, seul reste à Lille le concierge Gaston Helvig dont la mission est de veiller à la sécurité du bâtiment et des installations. Hébergé à Toulouse dans les locaux de l'Ecole d'Hydraulique du professeur L. Escande, l'I.M.F.L. reprend le travail jusqu'à la Libération : essais en vol sur les lignes aéropostales ainsi que sur un planeur laboratoire, étude des phénomènes de turbulence dans l'atmosphère, répartition de la vitesse de l'air à travers la couche limite au voisinage d'un solide, réalisation d'une soufflerie à retour de très faible turbulence, d'une soufflerie inclinable pour l'étude du vol libre, caractérisation de la turbulence au moyen d'une sphère, et d'autres sujets encore.

Après la Libération, Kampé de Fériet revient à Lille en décembre 1944 et Martinot-Lagarde revient en mai 1945. L'enseignement de la mécanique des fluides est réorganisé durant 1944-1945 ; une salle de travaux pratiques est mise en service au profit des étudiants de la faculté des sciences, des élèves des écoles d'ingénieurs Institut du Nord (IDN) et Arts et Métiers. En juillet 1945, Kampé de Fériet démissionne de sa fonction de directeur à l'I.M.F.L. et Martinot-Lagarde prend la succession dès septembre. Le 11 octobre 1945, les deux grandes souffleries sont remises en service. Le G.R.A. ayant été dissout, c'est l'Office National d'Etudes et Recherches Aéronautiques (O.N.E.R.A.) qui prend la succession du contrat (G.R.A.-Université) pour la gestion de l'I.M.F.L. En 1947, Martinot-Lagarde organise un stage annuel pour la formation de techniciens au profit des laboratoires aérodynamiques de l'O.N.E.R.A. Avec l'appui du professeur L. Malavard à Paris et du directeur des recherches aérodynamiques H. Girerd à l'O.N.E.R.A., un complément d'équipement est obtenu pour la grande soufflerie horizontale et la décision est prise d'installer à l'I.M.F.L. une soufflerie sonique, à veine déformable, pour l'étude des écoulements d'air à des vitesses voisines de la célérité du son : cette soufflerie est inaugurée en 1948.

Le 21 septembre 1950 l'O.N.E.R.A. résilie son contrat avec l'Université pour la gérance de l'I.M.F.L. ; ce dernier désormais doit négocier directement les contrats d'essais en ventilation et en aérodynamique avec les industriels et les services publics. C'est notamment auprès de la Direction Technique des Constructions Aéronautiques (D.T.C.A.) au Ministère de la Défense Nationale que Martinot-Lagarde trouve les moyens financiers nécessaires à la vie et au développement de l'I.M.F.L.. Un bassin d'amerrissage est mis en service en 1957, une station d'essais hydraulique en 1958. La soufflerie sonique est équipée en 1960-61 d'un dispositif de visualisation strioscopique jumelé avec un interféromètre différentiel à bi prisme de Wollaston. En 1962, une station d'étude pour rafales verticales est installée. L'I.M.F.L. accroît sa superficie en 1966, ce qui permet d'exploiter une piste d'atterrissage pour maquettes d'avions ; sur la plus grande partie du nouveau terrain, il est prévu la construction d'une deuxième soufflerie verticale, plus grande que la précédente et avec une veine de diamètre 4 mètres : cette soufflerie est inaugurée en 1967. Un progrès technique important consiste à fabriquer des maquettes flexibles en fibres de carbone pour simuler les déformations d'ailes ou de gouvernes. Les demandes d'essais ne cessent de s'accroître : il faut engager du personnel, notamment des agents contractuels. En ce qui concerne l'enseignement, des réformes importantes sont imposées par le Ministère de l'Education Nationale : de la Propédeutique, on passe au DEUG, la licence ouvre la voie à la Maîtrise, l'accès au Doctorat passe par un diplôme d'Etude Supérieures.

Les événements universitaires survenus au mois de mai 1968 modifient profondément l'organisation administrative de l'I.M.F.L. ; Martinot-Lagarde abandonne la direction de l'institut et la confie à son proche collaborateur le professeur Gérard Gontier : la succession devient officielle avec l'arrêté rectoral du 11 décembre 1968 et elle se trouve renouvelée avec l'arrêté ministériel du 3 mars 1972. Néanmoins le professeur Martinot-Lagarde siège au Conseil d'Administration de l'I.M.F.L. où il apporte son concours à la réorganisation, conformément aux directives de la loi d'orientation Edgar Faure No 68-978 du 12 novembre 1968, et au décret No 71-135 du 12 février 1971 portant dérogation pour les Instituts de Mécanique des Fluides de Lille et Marseille, l'Institut de Mécanique Statistique de la turbulence à Marseille et le Centre d'Etudes Aérodynamiques et Thermiques de Poitiers. Désormais, c'est à Villeneuve d'Ascq dans le bâtiment M3 de l'UER de Mathématiques que le personnel enseignant de la mécanique exerce ses activités : il prend là le nom de Service de Mécanique. Restent à Lille le personnel contractuel de l'I.M.F.L., ainsi que le concierge agent de l'Université. Les étudiants en mécanique suivent les séances de travaux pratiques à Villeneuve d'Ascq où l'I.M.F.L. équipe en matériel une salle du bâtiment M3. Le directeur de l'I.M.F.L. exerce ses fonctions aussi bien à Lille qu'à Villeneuve d'Ascq.

Les professeurs Kampé de Fériet et Martinot-lagarde ont marqué profondément la vie universitaire entre 1920 et 1970 : on trouvera à leur sujet des informations biographiques plus complètes dans les deux articles qui suivent.

Archives, témoignages, souvenirs
        Lille, février 1996

NOTICE BIBLIOGRAPHIQUE DU PROFESSEUR KAMPE DE FERIET, FONDATEUR DE L'IMFL

Né à Paris le 14 mai 1893, Marie Joseph Kampé de Fériet suit les cours de la Sorbonne et obtient la licence ès sciences en juin 1913, il effectue ensuite un stage à l'Observatoire de Paris où il travaille le sujet de la transmission radiotélégraphique de l'heure. Mobilisé dans l'infanterie le 11 août 1914, il obtient de l'armée un congé de convalescence durant lequel il soutient le 24 avril 1915, une thèse de doctorat sur les fonctions hyper sphériques, en 1916 son affectation à la Commission d'Expériences de l'Artillerie Navale à Gâvre où il est chargé des études de balistique; c'est pour tenir compte de l'influence du milieu ambiant qu'il s'initie à l'aérodynamique, science qui commençait seulement à susciter un certain intérêt. Démobilisé le 20 septembre 1919, Kampé de Fériet est nommé Maître de Conférences à la Faculté des Sciences de Lille le 1er novembre 1919, professeur en mars 1927, titulaire de la chaire de Mécanique le 1er janvier 1930 : avec la collaboration du recteur Albert Chatelet, il avait publié en 1924 un ouvrage sur le calcul vectoriel ; il avait assuré en 1925 et 1926 un cours à l'Université des Rois Jagellons à Cracovie, des leçons à l'Ecole Polytechnique de Varsovie et à l'Université de Prague où il s'enthousiasma pour le développement nouveau, donné aux mathématiques par l'école Polonaise de Stefan Banach et Hugo Steinhaus.

En 1928, un accident d'avion où périt le Sous Secrétaire d'Etat Bokanowsky avait suscité une telle émotion dans le public qu'il fut décidé de créer un Ministère de l'Air ; son Directeur Général Albert Caquot eut l'idée d'associer l'Université au nouveau ministère et de créer quatre Instituts de Mécanique des Fluides dont un à Lille (I.M.F.L.) où la direction fut confiée à Kampé de Fériet le 1er novembre 1929. Tout de suite, le directeur de l'I.M.F.L. s'assure la collaboration de deux industries bien implantées au nord de Paris, celle de la Société Henry Potez à Méaulte pour l'aéronautique et celle des Etablissements NEU à Lille pour la ventilation et le conditionnement d'air : cette idée d'un rapprochement avec le secteur économique était alors une innovation d'avant-garde dans les milieux universitaires.

Kampé de Fériet montre des qualités exceptionnelles d'organisateur, de réalisateur, de gestionnaire, de pédagogue et de chercheur. Il complète son enseignement de base en aéro - hydrodynamique par un cycle de cours équivalents à ceux d'un diplôme d'études supérieures ; le thème est choisi parmi les sujets de recherches et change chaque année ; on peut citer comme exemple celui de la mise au point d'un anémoclinomètre enregistreur permettant de reproduire correctement des rafales d'une durée un peu inférieure à la seconde : le succès fut tel que la Météorologie Nationale et l'Amirauté Britannique passèrent commande de plusieurs appareils. Membre de la commission de la Turbulence Atmosphériques créée en 1935, Kampé de Fériet participe à ce titre aux campagnes de vol à voile du Centre Aérologique de la Banne d'Ordanche. Dans les Alpes, il utilise systématiquement les nuages comme moyen de visualisation pour étudier les mouvements de l'atmosphère ; ses campagnes de recherches sont exécutées autour du Mont Blanc et à la station scientifique du Jungfraujoch dans l'Oberland Bernois et, en 1936, sur le pic du Mont Cervin : dans ce dernier cas, les observations directes par cinématographie, confrontées avec les résultats d'essais sur une maquette disposée dans la grande soufflerie horizontale de l'I.M.F.L., vérifient de façon tout à fait remarquable les règles de la similitude dynamique. Les publications sont nombreuses en aérodynamique aussi bien qu'en hydrodynamique : on compte de 1929 à 1939 une quarantaine de mémoires et articles, ainsi qu'un ouvrage important sur les fonctions hypergéométriques de Gauss (1937). une mission au Sahara est confiée au professeur Kampé de Fériet pour étudier, en collaboration avec les services anglais, les conditions de stabilité de l'atmosphère en prévision d'attaque par le gaz. Parmi les recherches plus théoriques, on peut citer les travaux sur l'équation de Navier Stockes pour un fluide visqueux en mouvement et sur les possibilités de ramener le problème à celui d'une équation de la chaleur. Mais le plus grand nombre des travaux a pour objet la théorie de la turbulence et ses aspects énergétiques.

Le 16 mai 1940, c'est l'exode de l'I.M.F.L. à Toulouse où les activités reprennent avec des moyens de fortune. Puis c'est le retour à Lille où Kampé de Fériet confie en 1945, la direction de l'I.M.F.L. à son collaborateur le Maître de Conférences André Martinot -Lagarde.

C'est en 1955 que Kampé de Fériet inaugure à Lille l'enseignement de la Mécanique des Milieux Continus. Il contribue aussi aux activités du Troisième Cycle, par ses exposés sur la Théorie de l'Information et la Théorie des Fonctions Aléatoires.

Peu avant la retraite qu'il accepte en 1963, et ensuite, alors qu'il est dégagé de toute obligation d'enseignement, il oriente ses recherches personnelles vers les problèmes de la turbulence en mécanique des fluides ce qui le conduit à des travaux mathématiques d'aspect parfois assez abstraits ; la mécanique statistique des fluides débouche alors sur une mécanique statistique des milieux continus, l'intention étant d'aboutir à une théorie générale des systèmes évolutifs aléatoires. Le calcul des probabilités et la théorie de l'information forment la base de tous ces travaux. Kampé de Fériet acquiert en ces années une réputation mondiale dans les milieux scientifiques où se manifeste un renouveau des concepts mathématiques. Ses conférences sont appréciées en Inde, au Japon, aux Etats Unis, à l'Université Harvard notamment, où il collabore amicalement avec le professeur Garret Birkhoff. On compte alors plus de deux cents publications en France et à l'étranger.

Le professeur Joseph Kampé de Fériet décède le mardi 6 avril 1982 à Villeneuve d'Ascq où il se trouve hospitalisé. Il laisse le souvenir d'un savant d'une grande culture, passionné d'art, d'histoire des civilisations, de musique : il fit des recherches sur le séjour à Lille de Wolfgang Amadeus Mozart en 1766. Il charmait son auditoire par ses dons innés de conteur, expliquant en termes simples les nouveautés scientifiques les plus abstraites comme en témoignent ses conférences, véritables chefs d'oeuvre littéraires, notamment les trois qui sont intitulées "Ce que la mathématique doit à Descartes ", " Un problème clé de l'aéronautique ", " Sous le signe de l'accélération ". Bien que parisien d'origine, Kampé de Fériet a exercé toute sa carrière à Lille, exception faite évidemment pendant l'exode à Toulouse : l'Université et la Région sont très touchées d'une telle marque de fidélité.

G. Gontier Ronchin,
        mars 1996

NOTICE BIBLIOGRAPHIQUE DU PROFESSEUR MARTINOT-LAGARDE : VINGT TROIS ANNEES A LA DIRECTION DE L'IMFL

Né à Versailles le 29 octobre 1903, André Martinot-Lagarde est un ancien élève du Lycée Lakanal de Sceaux ; il obtient le baccalauréat latin science philosophie en 1919; âgé de 17 ans, il est reçu à l'Ecole Normale Supérieure ; en 1924, il obtient la licence ès science et dix ans plus tard il est nommé Maître de Conférences à la Faculté des Sciences de Lille. A l'invasion allemande de 1940, c'est lui qui est chargé d'organiser entre Lille et Toulouse le repli de l'Institut de Mécanique des Fluides I.M.F.L. ; l'opération s'effectue à bicyclette sur des routes encombrées de réfugiés et, malgré le désordre que l'on imagine, elle se déroule sans le moindre désastre. Après la libération, Martinot-Lagarde revient à Lille où il est invité à prendre la direction de l'I.M.F.L., fonction qu'il va continuer d'exercer pendant près d'un quart de siècle, de 1945 à 1968 plus précisément.

Sitôt revenu, Martinot-Lagarde prend conscience de l'immense tâche à accomplir : il faut réorganiser l'enseignement et la recherche, remettre en état les installations, poursuivre les travaux interrompus, trouver de nouvelles orientations d'activité. Les difficultés ne manquent pas ; l'une d'elles, non la moindre, consiste à trouver les ressources nécessaires au financement du travail effectué par le personnel contractuel. C'est auprès de l'O.N.E.R.A. que Martinot Lagarde négocie en 1947 la succession du contrat passé précédemment avec le G.R.A. qui maintenant n'existe plus ; mais en 1950 l'O.N.E.R.A. se trouve dans l'obligation de regrouper ses installations: une partie du personnel de l'I.M.F.L. est alors mutée dans la région parisienne, une autre en Savoie, tandis que les quelques personnes qui restent à Lille sont, sous la responsabilité du directeur de l'I.M.F.L., payées par le produit des recherches exécutées pour le compte d'organismes privés ou publics, notamment la Direction Technique des Constructions Aéronautiques (DTCA) au Ministère de la Défense Nationale. C'est ainsi qu'une étude est entreprise pour équiper la soufflerie sonique d'un interféromètre à bi prisme de Wollaston. De même une station d'étude des rafales verticales est installée en 1962 et quatre ans plus tard un terrain est acheté sur lequel sera exploitée une piste d'atterrissage et sera construite une soufflerie verticale pour l'étude de la vrille des avions dans une veine d'expériences de diamètre 4 mètres.

Bien que les lourdes charges administratives ne laissent que peu de liberté pour la réflexion scientifique, Martinot-Lagarde ne néglige pas ses devoirs d'enseignant et de chercheur à l'Université : ses principaux sujets d'étude se rapportent aux grandeurs physiques dites sans dimension, aux règles de similitude qui justifient l 'expérimentation sur maquettes, aux principes de la thermodynamique, à la logique en théorie des ensembles ; mais il touche aussi à l'optique, à l'étude des écoulement supersoniques par la méthode mathématique des caractéristique, à l'hydraulique, à l'automatique, à la météorologie, à la turbulence en aérodynamique. Le rapport O.N.E.R.A. intitulé "Analyse Dimensionnel, Applications à la Mécanique des Fluides" est publié en 1948 et connaît un très vif succès. En 1960 Martinot-Lagarde est promu au grade de professeur et la même année il obtient le grade de professeur titulaire de chaire. Lors des réformes universitaires qui font suite aux événements de 1968, il se propose spontanément pour enseigner la mécanique élémentaire en premier cycle, une façon originale d'approuver les nouvelles méthodes pédagogiques. Durant les années 1969-1970, en collaboration avec le professeur Edmond Brun et avec Jean Mathieu, il publie les deux tomes d'un ouvrage de synthèse sur la mécanique des fluides : en 1971 un troisième tome est publié sous le titre "Thermique Classique et Introduction à la Mécanique des Evolutions Irréversibles".

Le professeur André Martinot-Lagarde est décédé le 12 novembre 1986 à Paris. Il est titulaire de la médaille du mérite décernée en 1953 par l'Université de Liège ; c'est la même année qu'il reçoit le prix Bourdon de la Société d'Encouragement à l'Industrie Nationale. Il obtient le prix Kuhlmann de la Société des Sciences de Lille en 1954, le prix Gegner de l'Académie des Sciences en 1958. Il est promu Chevalier de la Légion d'Honneur en 1960 et Commandeur de l'Ordre des Palmes Académiques en 1964. Il obtient en 1966 le prix Descamps Crespel de la Société Industrielle de Lille. Ceux qui ont connu le professeur Martinot-Lagarde conservent de lui l'image d'un homme simple, loyal, généreux et d'une bonté sans limite mais aussi sans faiblesse. Le personnel de l'I.M.F.L. travaillait comme on peut le faire dans une entreprise familiale : nul besoin d'une discipline contraignante, la confiance réciproque en tenait lieu et c'est bien au directeur Martinot-Lagarde que de telles relations de travail avaient pu s'établir. Scientifique, Martinot-Lagarde exposait avec méthode et rigueur les résultats de ses recherches ; cultivé, il se montrait curieux d'histoire à propos des sociétés de la plus haute antiquité ; philosophe, il prenait le plus grand soin à vivre en parfait accord avec ses plus intimes convictions.

G. GONTIER
        Ronchin, avril 1996