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Loger et Nourrir les étudiants : Les œuvres universitaires dans l’Académie de Lille

Par Bernard BARFETY
Directeur Honoraire du CROUS de Lille

Cet article se trouve aussi dans le fascicule téléchargeable (cliquer sur ce lien) : Contributions à l'histoire de la faculté des sciences de 1854 à 1970 par A.Lebrun, M. Parreau, A. Risbourg, R. Marcel, A. Boulhimsse, J. Heubel, R. Bouriquet, G. Gontier, B. Barfetty, A. Moïses, Histoire de la Faculté des Sciences de Lille et de l’Université Lille1 - Sciences et Technologies, Tome 1, 2011.

Le développement universitaire, l'augmentation considérable du nombre des étudiants, la multiplication des lieux d'enseignement, dans l'agglomération lilloise mais aussi dans la région, toutes ces transformations décrites par ailleurs, ont naturellement des répercussions sur ce qu'on appelle " les Oeuvres Universitaires " et sur l'organisme qui en a la charge, le C.R.O.U.S..

Celui-ci a pour mission de répondre à tous les besoins autres que pédagogiques des étudiants : aide sociale individualisée au profit des étudiants en situations financières, familiales ou psychologiques difficiles ; offre d'emplois temporaires et jobs d'été ; activités culturelles et de loisirs ou voyages ; accueil et échanges internationaux ; prospection et mise à disposition de chambres chez l'habitant, etc...

L'une de ses tâches les plus visibles consiste à obtenir des pouvoirs publics la construction de logements et de restaurants au profit des étudiants et de gérer ces établissements. C'est à cet aspect seulement de la fonction du C.R.O.U.S. de Lille que s'attachera l'essai historique qui suit.

LES ORIGINES

Au lendemain du second conflit mondial se constitue dans la plupart des villes universitaires et notamment à Lille, un " comité des oeuvres en faveur des étudiants ". Ce " comité " a la forme juridique d'une association de droit privé dont le Conseil d'Administration regroupe des représentants de l'Université et des Associations d'étudiants. Ce comité obtient de l'Etat une aide financière au fonctionnement des restaurants et des maisons d'étudiants. Il gère alors deux foyers construits dans les années 30, G. Lyon, et G. Lefèvre, regroupant l'un et l'autre des chambres à deux lits et une salle à manger. Il veille parallèlement au bon fonctionnement du restaurant de l'A.G.E.L. (dit l'U1., rue de Valmy) auquel il apporte une aide financière grâce aux subventions de l'Etat.

Le même comité, alors installé 34 rue Jean Bart à Lille, aide directement les étudiants en difficulté : distribution de " goûters ", secours divers aux étudiants les plus démunis. Il sollicite parallèlement du Ministère de l'Education Nationale des subventions en vue d'édifier de nouvelles résidences et de nouveaux restaurants universitaires.

Dans le même temps, sur l'insistance des Associations générales d'étudiants, regroupées dans l'U.N.E.F., désireuses de voir l'Etat s'impliquer davantage dans l'aide aux étudiants, une nouvelle structure se met en place. La loi du 16 avril 1955 et ses textes d'applications publiées en 1957 substituent aux Comités des oeuvres (associations loi 1901) des établissements publics, les Centres Régionaux des Oeuvres Universitaires et Scolaires (les C.R.O.U.S.). C'est le 12 juillet 1957 que se réunit pour la 1ère fois le Conseil d'Administration du C.R.O.U.S. de Lille.

C'est alors que débute la construction des premiers établissements de l'après-guerre : Restaurant Charles Debierre ouvert à la rentrée 1960, restaurant Albert Châtelet à la rentrée 1962, résidence Châtelet, 3 pavillons mis en service respectivement en 1956, 1958 et 1962. Alors que débute véritablement l'expansion universitaire, la situation est la suivante : un restaurant et une résidence à proximité du secteur hospitalier ; 2 restaurants : Valmy, (l'U1) géré par l'A.G.E.L. et Debierre (l'U2) et les maisons G. Lyon et G. Lefèvre à proximité du quartier St Michel pour accueillir les étudiants en droit, lettres et sciences ; un C.R.O.U.S. à l'étroit dans une modeste " maison de maître ", rue Jean Bart.

Il est indispensable que le C.R.O.U.S. participe au développement universitaire et offre de nouvelles capacités d'accueil aux étudiants. Il lui faut pour cela obtenir de l'Etat les moyens financiers de construire , et trouver dans l'agglomération et à proximité des sites universitaires des terrains susceptibles d'accueillir restaurants et résidences universitaires. La cohésion de son Conseil d'Administration, la tenacité de son personnel, la puissance de conviction du Recteur d'Académie, son Président, permettront de surmonter bien des obstacles et d'aller de l'avant.

L'ACCOMPAGNEMENT DU DEVELOPPEMENT UNIVERSITAIRE

Le grand projet universitaire de l'époque, c'est le transfert de la Faculté des Sciences à Anappes. Toutefois, en l'attente de sa réalisation, il faut faire face à une situation difficile à Lille, quartier St Michel. C'est à cela que répond la réalisation, en urgence, du restaurant de la rue Gauthier de Chatillon édifié en 3 mois et demi sur un terrain que M. Le Recteur obtient de la Jeunesse et des Sports et ouvert à la rentrée 1965. Parallèlement se poursuivront, avec les délais dus aux procédures " normales " la construction de la résidence de la rue du Bas-Liévin à Lille (1er pavillon ouvert en 1965 et 2ème en 1966), du restaurant de la rue de Cambrai (ouvert à la rentrée 1966) et du siège du C.R.O.U.S., rue de Cambrai également, mis en service en janvier 1967.

Parallèlement, au fur et à mesure que la Faculté des Sciences s'installe sur le Campus d'Annappes, il convient que le C.R.O.U.S. soit lui aussi présent. C'est d'abord l'aventure de " l'opération d'urgence ", réalisée en catastrophe à la périphérie du Domaine et qui accueille ses premiers étudiants à la rentrée 1964. En même temps et au prix de nombreux tours de force, le restaurant dit " d'urgence ", baptisé ensuite Ch. Barrois, sert les premiers repas universitaires sur le territoire de ce qui deviendra Villeneuve d'Ascq.

Si, pour cette première, le bâtiment des oeuvres et les bâtiments d'enseignement sont mis en service en même temps, il n'en fut pas de même ensuite. Passé l'urgence, la lenteur des procédures de l'approbation des projets et de délégation des crédits entraîne de multiples délais, souvent incompris du public et des étudiants. Pourtant le programme " Oeuvres " était arrêté : autour de l'espace enseignement, au delà du boulevard circulaire du domaine, devaient être édifiés 3 " villages " regroupant chacun 5 pavillons de 150 chambres. Deux restaurants devaient également être construits à proximité. Il apparaît toutefois qu'il sera difficile de tenir dans les enveloppes financières fixées quelques années plus tôt, ce qui entraîne faute de complément de financement un déshabillage des projets.

Ainsi, les résidences seront-elles construites sans vide sanitaire, leurs fenêtres en bois de médiocre qualité sans protection contre le ruissellement.... Le restaurant, prévu sur trois niveaux sera réduit à deux ce qui entraînera des cohues dues au rassemblement sur un même espace, des étudiants se rendant dans les salles à manger et de ceux fréquentant le bar. En définitive, ces constructions furent de médiocre qualité, source de déboires et de dépenses ultérieures. Mais le C.R.O.U.S. pouvait-il alors, retarder davantage des réalisations dont la nécessité était criante et immédiate ?

Dans ces conditions, la résidence Galois ouvre en octobre 1965 à la veille de la rentrée universitaire, alors que les voies d'accès sont à peine terminées et que l'automne est particulièrement pluvieux. Et durant cette année, les étudiants n'auront à leur disposition que le restaurant d'urgence, éloigné, à l'autre extrémité du domaine et accessible par des itinéraires boueux. A la rentrée 1966, le restaurant Pariselle, 1000 places, est heureusement achevé, de même que le second " village ", la résidence H. Boucher. En 1967, c'est le tour de la résidence Bachelard. Le C.R.O.U.S. peut ainsi mettre 2300 chambres à la disposition des étudiants du Campus.

Dans le même temps, le projet de création d'un I.N.S.A. sur le même domaine est abandonné par décision ministérielle. Les bâtiments d'enseignement seront affectés à l' I.D.N. (Institut industriel du Nord) devenu école centrale. Le C.R.O.U.S. se porte preneur de ce qui devait être l'internat de l'I.N.S.A., soit une résidence de 1000 chambres, la résidence Camus, et un restaurant de 700 places, Sully.

Tels sont, en 1968, les établissements des oeuvres sur le domaine scientifique d'Annappes. La situation n'évoluera plus jusqu'aux années 90 en raison d'une volonté politique arrêtée d'éviter tout nouvel accroissement de concentrations d'étudiants sur les campus. Et aussi parce que l'effort financier de l'Etat est sollicité par d'autres projets.

Les facultés des Lettres et du Droit devaient, elles aussi, quitter Lille pour de plus vastes espaces situés quartier du Pont de Bois., à Flers, village qui, avec Annapes et Ascq, allaient constituer la ville de Villeneuve d'Ascq. Pour ce domaine universitaire, les pouvoirs publics avaient prévu la construction d'un seul restaurant universitaire ; quant aux logements, ils devaient être insérés dans le tissu urbain. Dans cette perspective, le C.R.O.U.S. avait pu obtenir la construction de deux résidences à Mons en Baroeul, Van Der Meerch et Robespierre, ouvertes dès 1965 et 1966 et, quelques années plus tard celle du " Triolo " mise en service en 1976. D'autres terrains avaient été réservés mais, non utilisés faute de financement, ils disparurent du patrimoine de l'Education Nationale.

Le restaurant du Domaine Littéraire et Juridique du Pont de Bois avait été programmé et financé pour une capacité de 700 places. Ce projet était considéré comme insuffisant aussi bien par les étudiants et le Président de l'Université Littéraire, que par le C.R.O.U.S.. Celui-ci , après étude technique, et grâce à l'insistance du Recteur auprès des financeurs obtint finalement une rallonge permettant l'aménagement d'une troisième salle, portant la capacité globale à 1000 places. Au prix des exploits habituels en ces circonstances, ce restaurant put heureusement être mis en service à l'automne 1973 en même temps que s'effectuait la première rentrée universitaire sur ce nouveau domaine. Et, comme pour le domaine scientifique, il faudra attendre les années 90 pour obtenir les moyens financiers permettant de construire de nouveaux équipements.

Dans la même période le C.R.O.U.S. est également présent à Valenciennes où ses établissements accompagnent la création du pôle universitaire avec la mise en service en 1968 d'un restaurant et d'une résidence sur le site du Mont Houy. Il s'efforce ensuite de suivre l'essor de l'Université de Valenciennes et finit par obtenir les moyens de doubler en 1980 la capacité de la résidence et en 1985 celle du restaurant.

DE LA STAGNATION A L'EXPANSION UNIVERSITAIRE DES ANNEES 90 (" Université 2000 ")

Il faut attendre les années 90 et surtout la mise en oeuvre des programmes " Université 2000 " pour que le C.R.O.U.S. connaisse, à nouveau, une phase d'expansion. Celle-ci débute modestement en 1990, année où, pour la première fois depuis plus de 25 ans, un restaurant universitaire peut être construit : il s'agit de " Flers 2000 " sur le Domaine du Pont de Bois. Sur le même domaine 2 ans plus tard est mise en service une résidence universitaire, la 1ère à proximité immédiate de ces locaux d'enseignement.

C'est aussi l'époque où se multiplient les localisations universitaires liées notamment à la création des Universités de l'Artois et du Littoral. Des établissements du C.R.O.U.S. apparaissent alors dans toutes les villes universitaires de la Région : Arras, Calais, Dunkerque, Lens, Boulogne, Cambrai, Tourcoing, Douai, tandis que sont agrandis ou complétés ceux déjà existants à Roubaix, Béthune, Valenciennes et que des équipements accompagnent, à Lille même, le transfert de la Faculté de Droit dans le quartier de Moulins.

Ainsi, du " Comité des oeuvres en faveur des étudiants " de l'Université de Lille des origines, au C.R.O.U.S. désormais en charge des étudiants de toutes les universités et structures d'Enseignement Supérieur de la Région Nord/Pas-de-Calais, apparaît une constante : le développement de l'Enseignement Supérieur doit s'accompagner de la mise en place de structures d'accueil pour les étudiants.

Restaurants et Résidences universitaires sont ainsi la vitrine la plus visible des Oeuvres Universitaires. Mais parallèlement à cette expansion, les autres activités du C.R.O.U.S. ont connu un développement comparable et la vocation des oeuvres universitaires à être le véritable service social des étudiants a été non seulement maintenue mais confirmée, en 1992, par le transfert à ce service de la gestion des bourses d'enseignement supérieur.

Bernard BARFETY
         octobre 1996