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L’odyssée de la Faculté des Sciences de Lille (1854 - 1896)
Par Adda BOULHIMSSE
Mémoire de DEA sous la direction du Professeur Robert Vandenbussche, Université de Lille 3
Cet article se trouve aussi dans le fascicule téléchargeable (cliquer sur ce lien) : Contributions à l'histoire de la faculté des sciences de 1854 à 1970 par A.Lebrun, M. Parreau, A. Risbourg, R. Marcel, A. Boulhimsse, J. Heubel, R. Bouriquet, G. Gontier, B. Barfetty, A. Moïses, Histoire de la Faculté des Sciences de Lille et de l’Université Lille1 - Sciences et Technologies, Tome 1, 2011.
Quarante ans après la création des cours municipaux, la ville de Lille réussit enfin, (décret du 22 Août 1854), à obtenir un foyer scientifique capable de répondre à l'évolution économique et industrielle qui connaît un essor exceptionnel dans la région et dont la ville de Lille représente le centre nerveux. Cette fois, malgré le passé universitaire prestigieux de la ville de Douai, rien ne peut empêcher cette création ; d'autant plus que la population s'est toujours montrée très attachée à l'activité culturelle, artistique et scientifique ; un attachement dont les sacrifices consentis et la volonté affichée témoignent de sa véracité. Cependant, après un enthousiasme très marqué, la situation de la Faculté des Sciences de Lille, à l'image de l'enseignement supérieur, s'avère au fil des années très précaire ; l'établissement lillois ne doit sa survie qu'à la détermination et au dévouement des amateurs de la Science. Victimes du système qui les a créées, les Facultés étaient au service de celui-ci et non l'inverse, comme cela aurait dû être. Au bout de quinze ans d'existence, le verdict tombe. Le rapport du ministre de l'Instruction Publique, Victor Duruy, sur l'état de l'enseignement supérieur est d'une rare tristesse :
"Misère des bâtiments, insuffisances des crédits, détresse des laboratoires, absence des premiers instruments de travail, torpeur des institutions".[1]
Pendant ce temps, les appels au secours pour une réforme profonde de l'enseignement supérieur, exprimés notamment par des hommes de sciences tels : Berthelot, Renan et Pasteur sont restés vains. Il a fallu, hélas, les événements tragiques de 1870 pour bousculer l'immobilisme étatique et stimuler les changements nécessaires pour répondre aux vraies attentes du système universitaire. Dans un premier temps, ces changements touchent la vie intérieure des Facultés, laissant le temps aux moeurs d'évoluer. La Faculté des Sciences est largement associée à cette démarche qui lui trace le chemin d'un assainissement progressif de sa situation. Les décrets de Juillet et Décembre 1885 permettent aux Facultés respectivement d'avoir une personnalité civile et de se regrouper en un seul et même lieu. Des mesures qui visent à doter chaque établissement d'une autonomie propre et à coordonner leurs efforts et leurs spécialités au service d'un meilleur enseignement, affaibli jusque là, par une dispersion géographique. Après une bataille tumultueuse, la ville de Lille devient à partir de 1887 le siège de quatre facultés (Sciences, Médecine, Lettres et Droit) dont le siège académique suivra un an plus tard. Pour installer ce nouveau pôle de facultés, qu'on appelait déjà "centre universitaire", la municipalité lilloise et l'Etat ont fait preuve d'un effort financier particulièrement important, pourvoyant généreusement aux besoins des établissements (bâtiments, collections, matériels, etc....). La Faculté des Sciences satisfaite du grand chantier universitaire qui a duré près de deux ans. Elle obtient la construction de trois instituts (Physique, Chimie et Histoire Naturelle) et la mise à disposition d'une partie de la Faculté de Médecine et de Pharmacie, située au 1er étage de la place Philippe Lebon, où sont placés le service des mathématiques et l'administration. En 1893, les 4 établissements sont regroupés en un corps de Facultés, doté d'une personnalité civile et appelé prématurément Université de Lille. Ce n'est que trois ans plus tard que la loi du 10 Juillet 1896 ressuscite les Universités, un siècle après leur suppression, et donne à la ville de Lille, 42 ans après la création de sa première faculté, sa première université.
La Faculté des Sciences sous le second Empire (1854-1870).
Durant les quinze premières années qui ont suivi sa création, la Faculté des Sciences évolue dans un climat de contraste, partagée entre la tyrannie du système napoléonien la privant des moyens indispensables à son évolution, et l'exploit des hommes qui ont réussi à faire d'elle un établissement de province très distingué par l'originalité de ses travaux et la rigueur de son organisation.
Misère des bâtiments.
La Faculté des Sciences de Lille, comme de nombreux autres établissements, a été épinglée par le Ministère sur de nombreuses questions : notamment en ce qui concerne l'état de précarité des bâtiments que Louis Liard, alors directeur de l'enseignement supérieur, décrit :
"A Lille, l'un des amphithéâtres construit en contrebas du sol est sombre et humide et on ne pouvait pas y professer convenablement le jour, le laboratoire de chimie réclame une place pour les objets de collection et un magasin pour les produits. La physique demande une salle distincte où l'on puisse installer des expériences et faire des manipulations.[2]
Faute de documents, la disposition exacte des salles dans le bâtiment rue des Fleurs n'a pu être établie ; néanmoins, à travers la controverse lilloise en matière d'hébergement, on comprend aisément la situation des locaux dans la Faculté.
La municipalité lilloise désirant accueillir des établissements supérieurs, a fait construire un grand bâtiment pour héberger le Lycée Faidherbe et l'Ecole Préparatoire de Médecine et de Pharmacie qui venait d'être créée en 1852. Deux ans plus tard, la Faculté des Sciences est amenée à occuper une aile du bâtiment, celle faisant le coin entre la rue des Fleurs et la rue des Arts. Au début, l'insuffisance des locaux ne semble pas préoccuper la municipalité et encore moins les autorités. Aussi, lorsque le doyen Pasteur demande à la ville de mettre à sa disposition un logement, il ne trouve aucune difficulté à se faire entendre. D'ailleurs, peut-il en être autrement, alors que cette demande est solidement motivée par le soutien du ministre Hyppolyte Fortoul qui semble particulièrement apprécier le jeune Professeur. Ce logement est alors installé et aménagé au premier étage du bâtiment qui compte en outre, le bureau du Doyen et une antichambre ainsi qu'une petite salle destinée au service de physique. Au début du décanat de Pasteur, une grande partie de l'enseignement se présente sous forme de cours publics qui ont lieu dans les amphithéâtres. Mais petit à petit, l'établissement doit accueillir de jeunes étudiants dans le cadre des conférences complémentaires et des manipulations, ce qui finit par mettre en évidence l'insuffisance des locaux. Pensant résoudre facilement le problème, la municipalité lilloise annonce son intention de récupérer le logement du doyen, pour le rendre à sa destination initiale. Elle attend pour cela le départ de Pasteur, en vain, le nouveau doyen Jean Girardin, aussi déterminé que son prédécesseur, exige une indemnité de logement à défaut de celui-ci. Or la ville estime avoir fait suffisamment de sacrifices pour l'enseignement et refuse d'en faire à nouveau. En l'absence de compromis, le nouveau doyen bénéficie à son tour d'un soutien ministériel, en l'occurrence celui de Gustave Rouland, il parvient à arracher cet avantage, qui reste malgré tout unique en France. Mais devant la détérioration des conditions de l'enseignement, amplifiée par la création de nouveaux cours, le doyen Girardin demande à la ville de parer à la situation. Faute de réponses, il saisit les autorités afin d'attirer leur attention sur l'immobilisme de la municipalité. Celle-ci, voulant contrecarrer cette démarche, réclame au ministre de l'Instruction Publiquel'ajournement temporaire de la requête du doyen et fait savoir qu'elle a le << coeur net et l'esprit tranquille >> :
"La ville de Lille n'a pas à craindre d'être taxée de parcimonie à l'égard de la dotation générale des diverses branches de l'Instruction Publique".[3]
L'issue de ce conflit, se solde après le départ du doyen Girardin pour le rectorat de Clermont-Ferrand en 1868. En effet, depuis l'arrivée du ministre Victor Duruy à la tête de l'Instruction Publique, le doyen avait perdu ses soutiens. Le logement vacant fut enfin transformé en salle de physique. Pendant longtemps, la physique n'a à sa disposition qu'un réduit d'environ 16 m2, là où le Professeur Lamy a découvert le thallium et mené de nombreux travaux sur ses caractéristiques. Le département de zoologie, situé au rez-de-chausée, qui comptait agrandir ses salles n' a pas obtenu satisfaction.
Pendant plus de quinze ans, la Faculté est victime d'une incapacité financière dont l'origine est imputable aussi bien à la municipalité, qui n'a pu doter l'enseignement des locaux nécessaires, qu'aux autorités qui veulent se désengager au profit des villes chargées d' accueillir les établissements. Après cette polémique qui a animé la vie de la Faculté pendant deux décanats, les péripéties et les difficultés continuent, surtout lorsqu'il s'agit du budget de l'enseignement supérieur.
Insuffisances des crédits.
Durant toute la période du second Empire, la Faculté des Sciences a souffert d'une maigreur budgétaire particulière et n'a pu répondre aux besoins matériels nécessaires à l'organisation d'un enseignement de qualité. Cette situation n'est pas spécifique à la Faculté lilloise, puisqu'elle touche l'ensemble des Facultés. Depuis les années 1830, le budget de l'enseignement supérieur est en dessous de 3 millions de Francs. A partir de 1854, il a connu une certaine évolution passant de 3 633 308 Francs à 4 125 521 Francs en 1870. Or, si ces sommes étaient déjà énormes aux yeux des autorités, elles devaient représenter à peine le budget de certaines universités allemandes ; c'est dire combien, sur ce plan, le fossé était grand entre les facultés françaises et étrangères. A l'image de cette parcimonie nationale, la Faculté de Lille a connu les pires situations financières. En 1854, son budget atteint la modique somme de 32 000 Francs, quinze ans plus tard, il avoisine à peine les 50 000 Francs, avec 48 000 Francs en 1870. Une évolution principalement liée à la création de nouveaux cours, car à quelques exceptions près, le traitement du personnel ainsi que les crédits de fonctionnement sont restés inchangés.
Le budget de la Faculté des Sciences se caractérise aussi par la disparité entre les différents postes qui le constituent, plus de 80% des crédits sont destinés au traitement du personnel. Par conséquent, la part consacrée aux frais de fonctionnement (matériels, collections, bibliothèques, etc..), demeure très en dessous des besoins exigés par l'enseignement de la Faculté. Cependant, l'importance du traitement du personnel dans le budget doit d'être relativisée car, comparativement à leurs homologues étrangers ou parisiens, les conditions du personnel de la Faculté de Lille laissent beaucoup à désirer. Même si les professeurs titulaires ont un salaire annuel de 4000 Francs, ils ne sont pas les plus à plaindre. La situation du reste du personnel, en particulier celle des garçons de laboratoire, est pire encore : leur rémunération annuelle commence à 600 Francs pour finir à 1000 Francs après de nombreuses demandes d'augmentations fortement soutenues par les doyens. Dans ces conditions de précarité matérielle, le personnel doit chercher sa motivation ailleurs que dans les rétributions de son travail ; d'ailleurs, nombreux sont les garçons de laboratoire qui ont quitté la Faculté pour occuper des emplois sans doute mieux rémunérés dans l'industrie.
Pour mieux comprendre les causes de cette détresse budgétaire, il n'est pas sans intérêt de comprendre les mécanismes de financement utilisés sous le second Empire. Fidèles à leur conservatisme, les autorités ont imposé un mode de financement unilatéral qui leur permet d'être le seul et unique gestionnaire de l'enseignement supérieur. Cette attitude monopolistique prive les Facultés de la générosité des départements, des villes et des particuliers qui s'intéressent à leur enseignement. De ce fait, elles ne peuvent recevoir ni dons ni legs qui constituent pourtant une source de financement non négligeable pour les universités étrangères. En outre, les ressources propres des Facultés, reçues sous formes de droits universitaires et composées essentiellement de droits d'examen, droits de manipulation, droits d'inscription, etc., sont intégralement versées au Trésor Public. Les Facultés n'ayant pas de personnalité civile (perdue en 1835), elles ne peuvent se prévaloir d'une existence propre ni du droit de disposer ou d'acquérir.
En fin de compte, la contribution de l'Etat dans le financement de l'enseignement supérieur, est encore plus faible qu'on ne peut l'imaginer, puisque tous les droits universitaires payés par les étudiants sont intégralement reversés au Trésor Public. Dans le cas de la Faculté des Sciences de Lille, et en général dans les Facultés scientifiques et littéraires, les recettes propres ne sont pas trop importantes, et ce, compte tenu de la modestie des effectifs d'étudiants régulièrement inscrits. Cela tient à la fois au coût des études financièrement insupportable, pour les familles à faibles revenus, et aussi, à la désaffection de la population pour ces enseignements qui n'ont pour destination que la profession de l'enseignement. La plupart des familles préférent orienter leurs enfants vers les professions médicales et juridiques, ce qui explique l'engouement des étudiants pour les Facultés de Droit et de Médecine. Pendant cette période, les recettes de la Faculté lilloise sont faibles, elles varient entre 13 000 et 20 000 francs, dont plus de la moitié proviennent des droits d'examen, une mission dans laquelle la Faculté des Sciences se montre particulièrement active avec l'organisation du certificat d'aptitude, du baccalauréat complet, du baccalauréat restreint, du baccalauréat scindé, de la licence et du doctorat.
A l'image du système napoléonien, la gestion des crédits reste très rigide, il en est surtout d'une règle dont l'absurdité ne peut être passé sous silence. Il s'agit du principe de l'irréversibilité de l'affectation des crédits.Ainsi, le doyen ne peut unilatéralement changer la destination d'un crédit, et ce, même en cas de besoin urgent. Par conséquent en plus de la parcimonie budgétaire imposée par l'état, des crédits sont parfois utilisés de manière hasardeuse, alors que des postes très nécessiteux ne peuvent en bénéficier. Ceci a été particulièrement illustré lors de la polémique qui a eu lieu à propos du supplément des frais d'éclairage et de chauffage, engendré par la tenue de cours nocturne.
Un enseignement pratique.
Pour répondre convenablement à la mission de la Faculté, le Ministre Hippolyte Fortoul a demandé, dès le mois d'octobre 1854, au Recteur Guillemin de lui faire une proposition sur les chaires à créer. Cinq sont proposées (Chimie, Physique, Mathématiques, Zoologie et Géologie). Mais, faute de moyens, seules les quatre premières ont vu le jour, deux mois plus tard, par un décret du 2 décembre 1854. Elles sont confiées respectivement à Louis Pasteur, jeune chimiste exerçant dans un établissement Strasbourgeois, il est aussi doyen de la Faculté ; Auguste Lamy, ancien condisciple du premier, professeur au Lycée de Lille et chargé, jusque là, du cours municipal de Physique ; Gabriel Mahistre, Professeur au Lycée de Saint-Omer et doyen d'âge et, Henri Lacaze-Duthiers, à la fois médecin et docteur en zoologie, et très inspiré du célèbre Cuvier.
D'emblée, les professeurs proposent des cours soigneusement destinés à éclairer la population lilloise dans le domaine de la Chimie industrielle, de l'Energie, de la Mécanique de la Botanique, etc ; des disciplines au coeur de l'activité économique locale. Sur le même rythme que les cours municipaux, le public lillois témoigne d'un grand intérêt pour le nouvel enseignement, à l'exception du cours de Mathématiques pures qui a connu une affluence très modeste, compte tenu des connaissances préalables qu'il requiert. Pendant de nombreuses années, les cours publics scientifiques accueillent jusqu'à 300 personnes, ils étaient gratuits et ouverts à tous. Pour les mettre à la connaissance de la population, une campagne de publicité est menée par la Faculté deux semaines avant chaque ouverture, dans les lieux les plus fréquentés de la région (Mairie, Lycée, Collège etc.). Cette campagne utilise des affiches d'environ 1m2 contiennent, outre l'emploi du temps, le programme proposé par chaque professeur et les cours annexes. Pour garantir une meilleure diffusion auprès du public, les journaux locaux sont souvent associés aux événements de la Faculté, ce qui témoigne, par ailleurs, de l'importance évidente de l'enseignement supérieur dans la vie de la région.
Dès les premières années, l'effectif des professeurs s'avère insuffisant par rapport aux exigences de l'enseignement. Le professeur de chimie qui, en plus de sa fonction de doyen, mène des recherches personnelles et assure des missions scientifiques pour le compte des entreprises et des villes se trouve devant une lourde charge qui l'amène à solliciter auprès du ministère l'aide d'un professeur. Malgré quelques réticences, principalement motivées par des préoccupations financières, le Ministre finit par céder en acceptant la nomination, de Charles Viollette (1856) reçu premier docteur à la Faculté des Sciences, alors qu'il était professeur au Lycée de Lille. Ce jeune professeur de 34 ans est alors chargé du cours de Chimie générale, destiné principalement aux étudiants qui préparent les grades de licence et de Baccalauréat. Mais en même temps, le professeur Mahistre se plaint d'avoir à assumer à la fois le cours mécanique et le cours de calcul différentiel. Il obtient à son tour la nomination d'un professeur adjoint, A. Guiraudet qui est alors chargé du cours de calcul différentiel et intégral, un cours également théorique et auquel peu d'auditeurs s'intéressent.
En 1860, à la suite du décès du Professeur Mahistre, l'enseignement des mathématiques est réorganisé, avec la création d'une chaire de mécanique rationnelle et appliquée attribuée à A. Guiraudet, promu au poste de titulaire et une chaire de mathématique pure, confiée au Professeur David. En 1864, suite au décès de ce dernier, la chaire de mathématique pure est transformée en chaire de Géologie, tant l'importance de cette discipline était évidente ; elle est confiée au professeur Jules Gosselet venu de la Faculté de Poitiers. Grâce à lui, cette chaire va connaître un essor particulier et va apporter une connaissance profonde sur la richesse souterraine de toute la région du Nord et de ses environs. Il est aussi le premier professeur à avoir organisé un enseignement géologique d'un haut niveau dans la région du Nord et en Belgique.
Quant à l'enseignement de l'histoire naturelle, il est largement dominé par celui de la zoologie qui dispose du musée de la ville de Lille. Celui-ci a d'ailleurs été transféré dans les bâtiments de la rue des Fleurs (rez-de-chaussée), à la demande de la Faculté, largement appuyée par les autorités qui en faisaient une condition incontournable à la création d'un établissement scientifique à Lille. L'organisation de l'enseignement portait sur deux semestres : le premier est consacré à la Zoologie, qui fut par ailleurs la spécialité de tous les professeurs qui se sont succédés à la chaire d'histoire naturelle ; tandis que le second est réservé à la Botanique. En général, les professeurs traitent de toutes les questions qui touchent de près à l'agriculture, la distillerie etc. C'est ainsi par exemple qu'ils prévoient des cours faisant connaître les mauvaises herbes et les insectes, qui menacent les activités agricoles.
Des Hommes d'envergure.
Grâce au zèle des professeurs et à l'originalité de leur talent, l'enseignement de la Faculté apporte une grande satisfaction aussi bien à la population qui afflue massivement aux cours publics, qu'aux autorités qui voient leurs espoirs se confirmer. Elles n'ont d'ailleurs pas manqué de féliciter le doyen Pasteur. Dans une lettre du 22 mars 1855, le ministre Fortoul écrit au recteur Guillemin :
"Veuillez féliciter particulièrement M. le Doyen des soins actifs et intelligents qu'il donne à l'organisation du matériel d'un établissement qui doit déjà au mérite de l'enseignement, tout à la fois brillant et solide, de cet habile professeur, de rivaliser avec les Facultés les plus florissantes".[4]
Cependant, si le succès semble être flatteur, les acteurs de la Faculté préfère plutôt avoir un enseignement à forte teneur en cours théorique, ciblé principalement sur une jeunesse studieuse, prête à s'investir dans la recherche fondamentale, véritable gage d'une relève scientifique. Or ce n'était pas le cas ; d'abord en raison du peu d'intérêt que présentaient les disciplines scientifiques à l'époque ainsi que le coût financier d'une année d'étude ; également en raison de l'orientation de l'enseignement supérieur particulièrement ciblée sur une science pratique au service de l'industrie qui sert la Science à court terme.
Enfin, pour pallier l'éloignement de la Faculté des Lettres de Lille, sont créés dès 1856 un cours d'histoire et un cours de littérature, confiés respectivement aux professeurs Chon et Colincamp. Un an plus tard, c'est un cours de dessin industriel qui voit le jour, il est confié à M. Granowski, puis à M. Vandenberghe un an plus tard. En 1865, les perpectives économiques et commerciales de la ville, stimulent la création d'un cours de droit commercial, un cours d'économie politique et un cours d'hygiène. Ces cours sont assurés respectivement par des professeurs de Faculté des Lettres, de lycées ou des professionnels. Leur financement est supporté par l'Etat et la municipalité à hauteur de 50% chacun, soit environ 1200 Francs.
Malgré la controverse concernant les principes de l'enseignement des Sciences, la mission de la Faculté reste globalement réussie. Cette réussite tire son origine de l'organisation adoptée par le Doyen Pasteur et son successeur ; elle se distingue à travers de nombreuses initiatives, dont l'originalité reste particulièrement admirable.
En effet, pour garantir un auditoire conséquent à la Faculté, le doyen Pasteur a programmé un certain nombre de cours pendant la soirée, afin de permettre à la population active d'y assister. Cette initiative semblait, au départ, réjouir tout le monde, le ministre en premier. Pourtant celui-ci n'a pas manqué de la critiquer dès qu'elle a engendré des dépenses supplémentaires, liées aux frais de chauffage et d'éclairage. Pour préserver cette organisation, unique dans le pays, la municipalité s'est engagée, à la demande de Pasteur, à prendre en charge ce supplément de frais qui atteignait la modique somme de 300 Francs.
Pour que les étudiants assimilent davantage les cours théoriques reçus en classe, Louis Pasteur organisait chaque année, pendant le mois de juillet, des visites dans la région du Nord et en Belgique. Ces excursions étaient ouvertes uniquement aux étudiants régulièrement inscrits. Là aussi, pour rendre les frais de voyage et de séjour à la portée des étudiants, notamment pour les moins fortunés d'entre eux, le jeune doyen a fait preuve d'une habilité remarquable, en arrivant à obtenir des réductions sur les coûts de transports auprès des compagnies de chemins de fer belge et française. Par ailleurs, pour éviter que ces voyages ne soient de simples voyages de distraction, il exigeait des étudiants un compte rendu sur tous les points abordés lors de ces visites. Cette rigueur pédagogique garantissait le sérieux des excursions et leur assurait un véritable succès.
En marge du caractère studieux de cette initiative, les excursions se sont avérées être un moyen efficace pour populariser la Faculté des Sciences à travers les régions visitées. Ainsi, en prenant connaissance des activités de la Faculté, les usines de la région pouvaient, bénéficier de ses services ; de même pour les jeunes qui veulent suivre un enseignement scientifique sérieux. Au bout de quelques années, ces visites se sont solidement ancrées dans les moeurs de la Faculté et se sont élargies à d'autres disciplines telles que la mécanique ou la géologie.
Pour mieux assurer l'idée qu'il avait de l'enseignement supérieur, Louis Pasteur à su donner l'exemple à ses collègues. En effet, grâce à un travail acharné et à de nombreux sacrifices, il a oeuvré dans toute son action pour l'avancement des sciences. C'est ainsi que la Faculté de Lille a pu rivaliser avec les établissements les plus connus dans le domaine de la recherche. C'est à Lille que Louis Pasteur a expliqué les phénomènes de la fermentation, c'est là aussi que, Auguste Lamy a découvert le Thallium et travaillé sur ses propriétés, c'est à Lille que Lacaze-Duthiers a travaillé sur le corail et d'autres animaux du monde marin, pour aller ensuite créer des stations maritimes à Roscoff ou à Banyuls.
Aussi, la Faculté a produit de nombreux travaux, notamment, dans tous les domaines de la Science, ce qui a valu aux professeurs l'honneur d'être publiés dans les recueils de la Société des Sciences de Lille, et pour les plus imminents d'entre eux, dans les recueils de l'Institut ou dans les revues étrangères. Elle a aussi rendu de nombreux services scientifiques pour le compte des villes, à l'image de l'analyse de l'eau effectuée en 1866 pour l'agglomération lilloise et de la justice pour éclairer les tribunaux sur des vérités scientifiques.
La Faculté des Sciences sous la IIIème République (1870 - 1896)
Seize ans après sa création, les Facultés françaises étaient loin d'avoir répondu à la véritable mission qu'attendait d'elles, la nation. La défaite militaire française de 1870 a mis en évidence l'insuffisance du système universitaire napoléonien, et par conséquent la responsabililé dans l'effondrement du pays. Dès lors, une prise de conscience nationale s'est manifestée pour parer à ce désastre. La République alors naissante, va mener une série de réformes, susceptibles de répondre aux vraies attentes d'un pays dont la force motrice reste, plus que jamais, liée au destin de sa science. Pour atteindre cet objectif, les autorités cherchent à s'inspirer des modèles qui ont fait leur preuve ; parmi ceux-ci, le système allemand venait de montrer son efficacité lors des derniers événements. Pour bien cerner le problème, les autorités ont envoyé des émissaires dans des universités allemandes, afin de rendre compte de manière précise de la réalité du système. Parmi ces personnes, on trouve le chimiste Wurtz ou le sociologue Durkheim. Les résultats de leurs missions ont donné lieu à des publications qui ont largement enrichi la réflexion sur la grande réforme universitaire qui commence officiellement, à partir de 1885. Par ailleurs, de nombreuses mesures visant à assainir la situation intérieure des facultés sont adoptées, elles se traduisent pour la Faculté des Sciences par une nouvelle orientation de l'enseignement, une amélioration des conditions matérielles et spatiales, un encouragement de la jeunesse pour les filières scientifiques, grâce, notamment, à la création des bourses.
La convalescence de la Faculté des Sciences
Le budget.
Dès le lendemain de l'installation de la République, alors que la situation financière du pays est encore désastreuse, les autorités ont courageusement décidé d'augmenter les crédits destinés à l'enseignement supérieur. En 1871, le budget des Facultés est déjà de 4.300.000 Francs ; quatre ans plus tard, il est de 5.124.581 Francs, avant de faire un bond de 2.500.000 Francs deux ans plus tard. Une ascension fulgurante stimulée, notamment, par la crainte d'une concurrence annoncée de "l'enseignement libre", créée par la loi du 12 Juillet 1875.
Parallèlement le budget de la Faculté des Sciences suit une ascension plus forte que celle constatée à l'enseignement supérieur. En l'espace de quinze ans environ, les sommes allouées à la Faculté ont plus que triplé, passant de 53 596 Francs à 161 040 Francs, entre 1871 et 1885 ; des sommes absolues très élevées par rapport à celles connues sous le second Empire.
Cette augmentation en volume, a touché tous les postes du budget, aussi bien celui du personnel que celui des frais de fonctionnement. Bien qu'en chiffre absolu, l'écart reste encore important, force est de constater que le déséquilibre entre les différents postes du budget a tendance à diminuer. Ce progrès, par ses effets sur les conditions matérielles de la faculté, permet au personnel ainsi qu'aux étudiants de travailler dans un climat de sérénité et de confiance.
Quant aux revenus de la Faculté, ils sont toujours aussi faibles ; les recettes en droits universitaires continuent d'être versées au Trésor Public. Cependant, à partir de 1885, avec l'adoption du décret du 25 Juillet de la même année, les Facultés acquièrent la personnalité civile qui leur a tant fait défaut. Ce droit à la personnalité leur procure une autonomie et leur donne par conséquent la possibilité d'obtenir des dons et legs, dans des conditions définis par le décret. Cette mesure a ouvert la porte à toutes sortes d'initiatives : communales, départementales et privées qui se sont mises au secours de leur établissement et ont participé au progrès scientifique dans leur région. En même temps, la ville de Lille a consacré à ses facultés une somme de 20 000 F par an, et ce, pendant une durée de 30 ans. D'autres initiatives comme les bourses d'études, le don d'ouvrages ou de collections, ont contribué à l'amélioration des conditions matérielles de la Faculté.
Cette réforme a introduit par ailleurs, un assouplissement au niveau des règles de gestion du budget des Facultés, la plus spectaculaire demeure la suppression du principe de l'irréversibilité de l'affectation des crédits. Désormais, ceux-ci peuvent être utilisés dans d'autres postes que ceux désignés initialement, voire conservés dans le reliquat. Cette mesure assure une utilisation optimale des crédits et évite bien des gaspillages ; elle confirme par ailleurs une certaine autonomie dans la gestion des Facultés qui ne pouvaient que s'en réjouir.
Tandis que les conclusions du rapport Duruy alerte sur la précarité des bâtiments, aucune mesure concrète est prise pour apporter un remède. Ce n'est qu'en 1874 que les autorités demandent, un rapport détaillé à chaque doyen de faculté ou directeur d'écoles sur la situation de leur établissement, afin que des améliorations puissent être apportées. Devant cette circulaire, pour le moins contraignante, la municipalité lilloise envisage sérieusement d'améliorer les bâtiments des établissements. Trois suggestions sont proposées, parmi celles-ci, il est question de construire un nouvel établissement dans le quartier "Saint Michel", pour accueillir l'Ecole Préparatoire de Médecine et de Pharmacie permettant d'affecter l'espace libéré à la Faculté des Sciences. Cette proposition qui semble d'emblée être la plus adéquate s'est finalement imposée ; cependant, la réalisation du projet ne s'est concrétisée qu'au début des années 1880. L'Ecole de Médecine et de Pharmacie, devenue alors Faculté (1876), a pris place dans ses nouveaux locaux en 1882. Pendant ce temps, la précarité des bâtiments de la Faculté des Sciences continue de sévir, d'autant plus que d'autres enseignements sont créés. En effet il était parfois impossible d'accueillir tous les étudiants qui se présentaient à la Faculté, une situation particulièrement illustrée par l'enseignement de la zoologie où, faute de places, le professeur Alfred Giard doit refuser 4 étudiants sur les 12 qui souhaitaient suivre son enseignement. Par ailleurs, de nombreuses modifications de locaux se sont déclarées au sein de la Faculté, et ce, après la création de la chaire de botanique (1878). Manquant d'espaces, le service de botanique a pris place à la Halle-aux-sucres où elle a pu disposer de vastes locaux et où sa seule préoccupation était son éloignement du jardin de botanique, se situant à proximité de la rue des Fleurs. Cependant en 1882, lorsque la Faculté de Médecine et de Pharmacie s'est installée au quartier Saint-Michel dans un grand bâtiment dont l'architecture ressemble de près à celle de certaines universités européennes, la Faculté des Sciences a investi le bâtiment laissé vacant qui s'étendait sur trois étages et qui comptait pas moins de trois grands amphithéâtres, de nombreuses salles ainsi qu'une bibliothèque et une salle de travail pour les étudiants.
Compte tenu de l'échec de l'orientation initiale donnée à l'enseignement, de nombreuses mesures visant à supprimer les lacunes de l'enseignement et à favoriser l'accession de la jeunesse à la poursuite d'études ont été prises. Les plus spectaculaires sont l'institution des bourses et l'officialisation des maîtrises de conférences, toutes les deux instituées en novembre 1877.
Les principales critiques qui ont été faites à l'enseignement supérieur étaient d'avoir adopté une orientation qui handicape sérieusement la recherche scientifique à long terme en privilégiant les questions purement pratiques. Désormais, les facultés cherchent à attirer de plus en plus de jeunes pour assurer le relais de la flamme scientifique. Dans ce sens, des mesures incitatives sont prises, notamment le décret du 5 novembre 1877 qui crée les bourses d'études, en limitant leurs attributions aux étudiants des Facultés de Sciences et des Lettres, puisque ce sont ces établissements qui en comptent le moins.
Dès la première année, le nombre d'étudiants qui bénéficient d'une bourse à la Faculté s'élève à 11 (pour 300 Bourses prévues dans le budget de l'Etat). Ce chiffre va progressivement augmenter pour atteindre un maximum de 34 bénéficiaires en 1886. A partir de 1883, des villes comme Lille, Valenciennes, et d'autres participent activement à cet effort et accordent à leur tour des bourses aux étudiants de la Faculté. Les conséquences de cette mesure se traduisent par une hausse du nombre d'étudiants régulièrement inscrits. Un mouvement largement ressenti sur l'ensemble des effectifs au delà du fait que les boursiers sont tenus à l'assiduité à tous les cours qui les concernent (125 en 1892 contre 13 en 1854). Cette mesure a par ailleurs permis d'assurer une jeunesse intelligente et studieuse (l'attribution des bourses se faisant au mérite), capable d'effectuer des recherches poussées, en particulier dans le cadre du doctorat dont le nombre ne cesse de progresser depuis l'entrée en vigueur des bourses. Contrairement à la période précédente qui n'a connu en tout, que deux candidats à ce grade ; leur nombre a été au moins multiplié par sept.
Une nouvelle approche de l'enseignement.
Dans le sillage de cette réforme, il est prévu d'institutionnaliser les maîtrises de conférences qui existaient déjà sous l'appellation de conférences complémentaires. Leur création s'inscrit dans le cadre d'une consolidation des cours publics, en permettant aux étudiants régulièrement inscrits, par des exercices soutenus ou des cours complémentaires, une meilleure assimilation du cours général. En outre, il est possible ainsi d'assurer un suivi régulier des connaissances des étudiants, notamment par l'organisation d'interrogations écrites. Dès le début, de nombreux enseignements ont bénéficié de ces nouvelles créations, la première fut celle de géologie créée en (1878) et confiée au jeune docteur Charles Barrois. Plus tard, d'autres postes voient le jour respectivement en mathématiques, botanique et chimie. En 1896, la Faculté compte déjà quatre maîtrises de conférences à côté des 9 chaires.
Toujours dans le sens de cette orientation, les facultés ont obtenu depuis 1880, la possibilité de préparer à l'agrégation, une mission initialement réservée à l'Ecole Normale Supérieure. Cette nouvelle mission affirme clairement la nouvelle mission de la faculté qui n'est plus uniquement d'assurer un enseignement à caractère pratique mais bien de participer à la préparation de l'élite du corps professoral. Cette décentralisation ouvre l'opportunité aux jeunes provinciaux de se préparer à l'agrégation, et ce, dans des conditions moins contraignantes que celles connues à Paris. Cependant, si la mesure semble satisfaire à un souci de démocratisation de l'enseignement, les résultats restent très controversés, puisque sur les 90 agrégés de l'année 1881, près du tiers seulement viennent des facultés.
La volonté de consolidation de l'enseignement, s'est accompagnée d'une spécialisation, devenue nécessaire, compte tenu de l'évolution de la science. Du coup, pour mieux répondre à cette nécessité, un certain nombre de chaires ont progressivement été créées.
Dès 1872, une chaire de calcul différentiel et intégral est créée, le jeune professeur Joseph Boussinesq en est chargé, il devient titulaire deux ans plus tard. Ainsi, le professeur Guiraudet, par ailleurs, doyen de la Faculté depuis 1868, voit sa charge diminuée, et peut désormais se consacrer entièrement à l'enseignement de la mécanique.
Aussi, afin de répondre à la spécialisation agricole de la chimie, la chaire de chimie générale et appliquée a été doublée en 1876 d'une chaire de chimie appliquée à l'industrie et à l'agriculture. La première devait assurer un cours théorique destiné notamment aux étudiants de licence et d'agrégation, tenu par le jeune préparateur Duvillier en tant que chargé de cours, avant d'être confié au professeur Willm en 1880. Quant à la seconde chaire, elle est dirigée par Charles Violette devenu doyen en 1873 après le départ de A. Guiraudet au rectorat de Toulouse.
En 1878, c'est une chaire de botanique qui vient donner une existence officielle à cet enseignement, qui jusque là, a toujours été tenu dans l'ombre de la Zoologie. Pour la diriger, on fait appel au professeur Charles Eugène Bertrand.
En 1887, la Faculté s'est dotée d'une chaire d'astronomie qui vient ressusciter un enseignement créé en 1856, alors qu'il était facultatif, et dont l'existence était très éphémère. Le professeur Souillard jusque là chargé du cours de mécanique, a été chargé de ce nouvel enseignement, il l'occupera jusqu'en 1898.
Jusqu'en 1870, l'enseignement de la Faculté était dominé par les activités de la chaire de chimie, avec les deux illustres Professeurs Pasteur et Girardin, qui ont souvent su apporter des solutions aux énigmes qui taraudaient l'esprit des industriels, des agriculteurs et bien d'autres. A vrai dire, la présence de ces scientifiques en général et des chimistes en particulier, est une chance pour eux. Car, c'est en s'intéressant aux problèmes de l'agriculture, de la distillerie, du textile qu'ils rencontrent les véritables questions. Grâce à leur zèle et à leur dévouement, ils collaborent par leurs découvertes à l'avancement de la science à l'image des travaux sur la fermentation réalisés par Pasteur ou de la découverte du thallium par Lamy, pour ne citer que ces deux professeurs.
Mais à partir des années 1870, l'enseignement de l'histoire naturelle prend une dimension considérable dans les activités de la Faculté. En effet, l'enseignement de la géologie qui avait été réclamé dès la première année par Pasteur, a trouvé un champ d'investigation propice, en particulier sur la structure géologique de la région du Nord qui enfermait une richesse souterraine multiple et variée, composée de mines de charbon, de mines de fer et de nappes phréatiques, etc. Le professeur Jules Gosselet s'est employé à illustrer tous les mystères qui entouraient cette structure. Les différents travaux qu'il a réalisés ont été jugés dignes d'un grand intérêt et lui ont valu la réputation nationale d'être l'un des premiers géologues de la région du Nord y compris en Belgique.
Avec les mesures favorisant la poursuite d'études, un certains nombre d'étudiants vont préparer des thèses de doctorat sur différents sujets dans ce domaine, qui vont largement aider à l'avancement de la recherche géologique. Parmi ces étudiants, on trouve notamment Charles Barrois et d'autres étudiants admis à soutenir leurs thèses à la Sorbonne. Cette dérogation témoigne de la qualité et du sérieux de leurs travaux.
L'autre enseignement qui s'est illustré, par l'abondance de ses travaux et l'originalité de ses méthodes d'investigation, est la zoologie. Avec le départ du professeur Dareste au Collège de France en 1873, la faculté a accueilli un jeune docteur Alfred Giard, qui venait de soutenir sa thèse à la Sorbonne sous la direction du professeur Lacaze-Duthiers. Ancien titulaire de la chaire d'histoire naturelle de Lille (1854-64) et fondateur de nombreux laboratoires maritimes, à l'image de celui de Roscoff où le jeune Giard a effectué ses recherches. Fort de son expérience Roscoffite, le jeune professeur cherche à créer un enseignement maritime de zoologie à l'image de celui-ci, en créant une station maritime de fortune dans la petite ville de Wimereux, financée en grande partie à ses frais.
Cet outil, bien que modeste, a permis à de nombreux étudiants de doctorat de mener des recherches sur les animaux marins ; ce qui leur a permis d'obtenir des thèses d'une grande qualité soutenues pour la plupart à Paris. Par ailleurs, la station a attiré des scientifiques des pays voisins, venant souvent affiner leurs recherches sur des animaux inexistants à l'intérieur des terres. Cet outil a permis au professeur Giard d'effectuer de nombreux travaux qui lui ont assuré une formidable réputation dans la spécialité. Ce succès, comme celui de ces deux prédécesseurs (Lacaze-Duthiers et Dareste), l'a propulsé vers la sphère de l'élite de la capitale, ce qui a valu à la Faculté des Sciences de Lille une grande fierté d'avoir donné des zoologistes de talent au pays. Mais avant son départ, Alfred Giard a préparé une jeunesse si compétente qu'elle a, tout de suite, assuré de hautes fonctions à l'image de Paul Hallez, directeur de la station maritime du Portel ou, Jules Barrois, directeur de la station maritime de Ville-Franche, tous les deux élèves de Giard.
Vers l'Université de Lille.
Jusqu'au milieu des années 1880, dans le cadre de l'enseignement supérieur, la Faculté des Sciences de Lille a assaini sa situation intérieure, un travail qui a duré près de 15 ans, période pendant laquelle les autorités Républicaines avaient d'une part laissé, et à juste titre d'ailleurs, le temps aux moeurs universitaires d'évoluer et d'autre part de préparer soigneusement la grande réforme universitaire promise dès leur arrivée au pouvoir. En 1885, deux décrets visant l'organisation des Facultés en leur donnant notamment une personnalité civile et le regroupement de celles appartenant à un même ressort académique, en un seul et même lieu. Partout où les facultés se trouvaient dans la même ville, ce décret n'avait pas de mal à être appliqué ; en revanche lorsque les facultés étaient réparties sur plusieurs villes, une certaine hostilité s'est manifestée de la part des villes qui devaient perdre leurs facultés. Ce fut le cas notamment à Douai où, tous les moyens avaient été utilisés par la municipalité douaisienne pour empêcher le transfert de leurs facultés (Lettres et Droit) à Lille.
Une fois n'est pas coutume, l'intérêt général finit par l'emporter sur l'intérêt particulier ; de nombreux arguments plaidaient pour un regroupement des facultés de la région dans la ville de Lille. Après de nombreux rebondissements sur la question, c'est finalement un décret du 22 octobre 1887 qui, contre toute attente, annonce le transfert des deux facultés. Les nouveaux établissements sont logés au sein de la faculté mixte de Médecine et de Pharmacie, déjà installée au quartier Saint-Michel. Quant au siège de l'académie, il est transféré un an plus tard par une loi du 17 décembre 1888. Etant créé par la loi du 14 juin 1854, seule une autre loi pouvait décider du transfert du siège de l'Académie. Une fois les 4 facultés installées à Lille, il était naturel que le siège de l'académie les accompagne.
Les nouvelles facultés lilloises prirent place dans une aile de la faculté de médecine, confortablement installée au quartier Saint-Michel, le siège de l'académie quant à lui, occupe l'hôtel du Mesniel, que la municipalité avait mis à sa disposition, conformément aux dispositions de l'accord du 17 mars 1887, passé entre la ville de Lille et l'Etat. Celui-ci prévoit, entre autres, de pourvoir dans des conditions très optimales, aux exigences spatiales, primordiales au projet de la création d'une université (voir annexe). Ce fut désormais << un premier centre universitaire >> que Louis Liard, alors représentant de l'Etat dans les négociations, décrit dès 1890 :
"Là (à Lille), pour la première fois en France, nous aurons la cité universitaire : au centre, la bibliothèque ; sur ses flancs, les laboratoires de médecine, la Faculté des lettres, la Faculté de droit, la galerie d'archéologie classique ; en arrière, l'institut de physique ; en avant celui, des sciences naturelles ; plus loin, celui de la chimie.".[5]
La Faculté des Sciences se trouve confortablement installée, comme l'avaient préconisé les observateurs lillois envoyés visiter les universités de Belgique, de Hollande et d'Allemagne. Ces observateurs qui comptaient parmi eux un architecte et certains professeurs de la Faculté des Sciences comme Charles Viollette et Alfred Giard.
La ville de Lille s'est montrée particulièrement généreuse, puisque contrairement aux prévisions, le coût de construction a été de 4 250 000 F, un surplus de près de 750 000 F que la ville a dû supporter seule et certains politiques n'ont pas manqué de critiquer cette attitude dispendieuse. Le chantier a pris fin plus tard à cause du différent qui portait sur la question de la bibliothèque qui a été finalement achevée en 1907 et décrite comme étant la plus prestigieuse de toutes celles d'avant guerre.
Chronologie
22 Août 1854 : Création de la Faculté des Sciences de Lille et de la Faculté des Lettre de Douai
02 Décembre 1854: Nominations des quatre premiers professeurs de la Faculté des Sciences
Mathématiques: G. Mahistre
Physique : A. Lamy
Chimie : L. Pasteur
Histoire naturelle : H. Lacaze-Duthiers
1854 Nomination de Pasteur comme doyen de la faculté des sciences
08 Janvier 1855 Ouverture des cours
1856 : Début des cours annexes de la Faculté des Science
1856 : C.Viollette, admis premier docteur de la Faculté des Sciences
Nomination de deux professeurs adjoints C. Viollette, et A. Guiraudet.
Octobre 1857 Départ de Pasteur pour l'Ecole Normale Supérieure de Paris
Octobre - Déc 1857 G. Mahistre Doyen par intérim
30 Décembre 1857 : J. Girardin Doyen de la Faculté
19 novembre 1859 Création d'une chaire de mathématique pure, occupé par A. Guiraudet, puis David (titularisé le 30 novembre 1862)
15 Décembre 1864 : Transformation de la chaire de mathématique pure en chaire de Géologie, (1er titulaire Jules Gosselet)
28 Avril 1865 : Création de la Faculté de droit à Douai
1868 : Girardin nommé Recteur de Clermont-Ferrand, Guiraudet nommé Doyen de la Faculté des Sciences
31 octobre 1872 : Création de la chaire de calcul différentiel et intégral (Titulaire J.Boussinesq), la chaire de Mathématique étant transformée en chaire de Mécanique rationnelle et appliquée, (Titulaire A. Guiraudet)
12 novembre 1875 : Création de la Faculté mixte de médecine et de pharmacie
20 Octobre 1876 : Création de la chaire de chimie appliquée à l'industrie et à l'agriculture Transformation de la chaire de chimie et appliquée en chaire de chimie générale (1er Titulaire Willm 1880)
5 Novembre 1877 : Création dans les Facultés des emplois de maîtres de conférences. Création des bourses de licence et de doctorat
16 mars 1878 : Création de la chaire de botanique : Charles Barrois Maître de conférence.
1880 : Transformation de la chaire d'histoire naturelle en chaire de zoologie (Titulaire A. Giard)
1882 : Installation de la Faculté mixte de médecine et de pharmacie au Quartier Saint-Michel
25 Juillet 1885 Décret relatif aux dons et legs en faveur des Facultés
28 Décembre 1885 : Décret relatif à l'organisation des Facultés
12 Mars 1887 : Convention entre l'Etat et la municipalité lilloise sur les modalités de la construction bâtiments pour les Facultés
23 Juillet 1887 Création de la chaire d'Astronomie (Titulaire C. Souillart)
22 Octobre 1887 : Transfert de la Faculté des Lettres et de la Faculté Droit à Lille
Décembre 1888 Transfert du siège de l'académie Douai à Lille
1892 : Début des travaux de construction des bâtiments quartier Saint Michel
28 avril 1893 : Création du corps des Facultés
1894 : Déménagement des Facultés dans les nouveaux locaux
1895 : Inauguration des bâtiments Quartier Saint-Michel
10 Juillet 1896 : Création de l'Université de Lille se substituant au Corps des Facultés
Références
[1] Louis Liard, Universités et Facultés, Paris, A. Colin, 1890, p.13.
[2] L. Liard, Universités et Facultés, op. cit., p. 15.
[3] A. D. N. 2 T 1019.
[4] Pasteur Vallery-Radot, Correspondance de Pasteur, p: 301.
[5] L.Liard, Universités et Facultés, op. cit., p. 44.