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Le Laboratoire de Zoologie de la Faculté des Sciences de Lille (" Institut de Zoologie ") de 1854 à 1970

Le Laboratoire de Zoologie
de la Faculté des Sciences de Lille
(" Institut de Zoologie ")
de 1854 à 1970

Par Roger Marcel* et André Dhainaut

* décédé le 20 Février 2000

Pour télécharger le pdf, cliquer sur le lien Le Laboratoire de Zoologie de la Faculté des Sciences de Lille de 1854 à 1970 par Roger Marcel et André Dhainaut.
Tome 2 de la collection Histoire de la Faculté des Sciences de Lille et de l’Université Lille1 - Sciences et Technologies, 2009.

Sommaire

Première partie

Les pionniers

Deuxième partie

Les monstres sacrés

Paul Hallez (1846-1938)

Alphonse Malaquin (1865 - 1949)

Armand Dehorne (1882-1971)

Troisième partie

Vers les temps modernes

Juin 1966. La noria des camions de déménagement commence au 23 rue Gosselet à Lille pour transporter le laboratoire de Zoologie - on dit, à l'époque, l'Institut de Zoologie - ses appareils, ses archives, ses collections, sa bibliothèque vers ses nouveaux locaux du campus d'Annappes.[1] Et là, on entre dans le laboratoire de Biologie Animale. Sept kilomètres pour un changement de point de vue : on ne fait plus de la zoologie mais de la biologie animale... Que de chemin en un peu plus de 100 ans. Tout a changé et pourtant rien n'a changé. Les hommes (et les femmes à peine plus nombreuses qu'au siècle passé) sont les mêmes, avec des professeurs (dans deux ans, on dira des mandarins !) et des assistants, ex-préparateurs, plus quelques maitres-assistants ayant remplacé les chefs de travaux. Mais les relations dans les labos de recherche sont identiques (un patron et des élèves), les contenus et les méthodes d'enseignements sont à peu près les mêmes, à la seule différence que les nombres d'étudiants enflent régulièrement, en particulier pour le CPEM.[2]

Signe d'un changement, cependant, la "réforme Fouchet"[3] entrera en vigueur à la rentrée 1966. De quoi s'agit-il ? Le vieux SPCN [4], qui durait théoriquement un an, est remplacé par un 1er cycle de deux ans, les " sciences naturelles " cédant la place, en première année, à de la " biologie cellulaire ". Un second cycle, aboutissant à une licence et une maîtrise, lui succédera. Autre signe de changement, en recherche cette fois, un microscope électronique " dernier cri ", viendra soulager le premier, installé rue Gosselet, lors du célèbre hiver 1962-63.

Un siècle de zoologie s'efface !

PREMIERE PARTIE: Les pionniers

Le décret impérial du 22 août 1854 crée, dans l'Académie de Douai, la Faculté des Sciences de Lille. Hypolyte Fortoul, Ministre de l'Instruction Publique et des Cultes, en nomme doyen Louis Pasteur;(Fig.1). Jeune chimiste à la déjà grande réputation scientifique, et bonapartiste de surcroît, Pasteur est en effet un excellent candidat.

Fig 2. - Louis Pasteur

Les débuts
Le décret du 4 décembre 1854, crée une chaire d'Histoire naturelle, à côté des chaires de Mathématiques, de Physique et de Chimie. Le zoologiste Lacaze-Duthiers[5] en est le premier titulaire. La nouvelle Faculté s'installe rue des Fleurs[6], à Lille, dans des locaux mis à sa disposition par la Ville. Ces locaux ne comprenaient que deux petites salles, dépendant du Musée d'Histoire naturelle. M. Liard résume, dans son livre sur les Universités, une situation dramatique : " Misère des bâtiments, insuffisance des crédits, détresse des laboratoires, absence des premiers instruments de travail, torpeur des institutions, et, trop souvent, avec beaucoup de talent, langueur chez les hommes, voilà en quels termes peut se résumer la situation des Facultés à la fin du second Empire."[7]

Dans le courant de l'année scolaire 1856-57, Pasteur est " appelé à d'autres fonctions " et Mahistre (Professeur de Mathématiques) est aussitôt chargé par intérim des fonctions de doyen. Le ministre de l'Instruction publique ne l'apprécie pas et, en 1857, c'est Girardin (Professeur de Chimie appliquée) qui est nommé doyen.

Lacaze-Duthiers, professeur d'Histoire naturelle, doit partager son temps d'enseignement entre la zoologie, la botanique et la géologie. Au 1er semestre de 1857, il s'occupe uniquement de Zoologie. Malade, il est remplacé, au semestre suivant, par le Dr Faivre " envoyé de Paris " qui enseigne la Botanique. Mais le 3 novembre 1857, un arrêté nomme ce même Dr Faivre dans la " chaire " de Minéralogie et Géologie. Cette chaire, non encore créée, lui est toutefois promise. Ne voyant rien venir dans l'immédiat, il part à Lyon, l'année suivante, dans une chaire vraiment vacante.

Dans le courant de l'année 1859-60, Lacaze-Duthiers traite de l " Histoire du règne": il développe, dans ce cours, ses idées sur l'instinct et l'intelligence, et parle des races humaines, sujet très prisé en cette deuxième moitié du XIXe siècle. " Les leçons étaient faites pour le grand public. Il y avait foule aux cours de Lacaze, soit qu'il parlât de l'organisation et de la biologie des animaux inférieurs, soit qu'il traitât des races humaines".[8] Encore faudrait-il peut-être tempérer cette appréciation si l'on se réfère à l'opinion peu flatteuse du ministre sur Lacaze-Duthiers " dont l'exposition présente des défauts qui finiraient par détruire l'intérêt des leçons savantes et consciencieusement préparées ". Au total, il lui reproche son élocution embarrassée et son exposition rapide et décousue. Le Ministre était-il sincère ?

Mais Lacaze est mis en congé pour un an, car il part en mission étudier " la pêche au corail en Algérie ". Entre temps, le 14 mars 1859, il reçoit le 2e prix de Physiologie expérimentale de l'Institut.

En avril 1859, Lacaze-Duthiers est inscrit sur la " liste des candidats au poste du Prince Charles Bonaparte (Section Anatomie et Zoologie) (élu ?) comme membre correspondant de l'Institut " et il est nommé Officier de l'Instruction publique.

En 1860, Dareste de la Chavane, Docteur ès-sciences, " une des espérances de l'Institut " est appelé pour remplacer Lacaze-Duthiers " dans l'enseignement de l'Histoire naturelle qu'il sait rendre si profitable à tous, et particulièrement aux élèves de notre école de Médecine de Lille " (Recteur Guillemin). Au 1er semestre, Dareste traite de l'anatomie et de la physiologie comparées (fonctions de relation et de nutrition). Au 2e semestre, il parle de l'anatomie et de la physiologie végétales en insistant sur la physiologie.

Le nombreux public d'amateurs qu'avait attiré Lacaze-Duthiers, grâce à son talent d'exposition, ne constituait pas un auditoire fidèle, car il n'y avait pas de vrais élèves. Et Dareste n'eut qu'un auditoire très restreint.

En matière de recherche, Dareste s'occupe de la production artificielle des monstruosités. Il publie la première année :

  1. Description de 3 monstres encéphaliens observés chez le poulet (Ann Sc Nat, 4ème Sér, 7ème ann, t. XIII, p 337),
  2. Influence qu'exerce, sur le développement du poulet, l'application d'un vernis ou d'un enduit oléagineux sur la coquille de l'oeuf (Ann Sc Nat, 4ème Sér, 8ème ann, t. XV, p 5),
  3. une communication à la Société Impériale de Lille sur l'histoire des oeufs à 2 jaunes.

L'année suivante, Dareste consacre son " cours d'hiver " à la génération et au développement des animaux, et son " cours d'été " à la classification des végétaux. Le doyen regrette d'ailleurs que la faculté des Sciences n'ait pas une école de Botanique.

Ses recherches portent toujours sur la tératologie mais aussi sur les grands problèmes de l'époque comme les relations entre l'intelligence et le cerveau. Il publie abondamment : en particulier une note sur un cas de gravelle urique observée chez un faisan de l'Hymalaya (sic) (Euplocomus melanotus). (Cet oiseau avait été acheté pour le Musée : son rein droit était entièrement rempli de concrétions d'acide urique qui avaient donné des lésions ayant causé la mort de l'animal). Chose pas tellement courante à l'époque, cette recherche est effectuée en collaboration avec le chimiste Ch. Viollette.

En 1862-63, Dareste, toujours suppléant, traite de la classification en Histoire naturelle.

Et Lacaze-Duthiers revient d'Algérie. Mais, dès l'année suivante, il part à l'école Normale Supérieure. Dareste prend officiellement sa succession et continue de publier de nombreux articles sur la tératologie.

Le 15 décembre 1864, un décret crée enfin une chaire de Géologie et minéralogie. En fait, il ne s'agit que d'une transformation de la chaire de Mathématiques pures qui avait été créée par décret du 19 novembre 1859. C'est Jules Gosselet qui l'occupe.

Cette même année, Dareste reçoit une médaille au concours des Sociétés Savantes.

Ses recherches se tournent vers la betterave - il en fait une communication au Comice agricole de Lille - tout en continuant sur les monstruosités des animaux d'élevage.

En 1866-67, les recherches de Dareste sur le mode de production des races domestiques le conduisent à publier un compte-rendu à l'Académie des Sciences sur ce sujet.

Cette même année apparaît un nouveau nom. Il s'agit de Paul Hallez " préparateur [de Gosselet] à la Faculté ". Il fera une brillante carrière universitaire.

Arrive la guerre. L'année scolaire 1870-71 est quelque peu perturbée : " Avec l'autorisation de Monsieur le Ministre, il n'y a pas eu de séance solennelle " de rentrée des Facultés. Mais, " pendant le cours de cette douloureuse année " écrira le doyen des Sciences, Dareste continue à publier. L'année scolaire est complète mais il y a peu d'étudiants. Il n'y aura non plus ni conférences ni manipulations car il n'y a " plus de préparateur pour en surveiller les détails ".

Après la guerre et malgré la défaite, la Séance solennelle de Rentrée des Facultés se tient à Douai le 21 novembre 1871 sous la présidence du Recteur Fleury qui rend grâce à Thiers, Président de la République, d'avoir restauré l'ordre.

En 1871-72 " Monsieur Dareste, interrompant le cours de ses travaux sur l'embryogénie, s'est occupé spécialement de l'histoire naturelle des poissons, et ses recherches exigeant, parait-il, son séjour à Paris, nous ont privés de sa présence pendant plusieurs mois ; " dira le doyen à la rentrée suivante.

Fondations et constructions

En 1872, Giard (fig. 2) " sorti récemment de l'école Normale, élève et préparateur de notre ancien collègue, Monsieur Lacaze-Duthiers ", suivant les paroles du doyen Viollette, est nommé suppléant de Dareste, car celui-ci est chargé d'un cours de zoologie au Muséum.

Fig 2. - Alfred Giard

En 1873, sous l'impulsion de Giard, un Laboratoire de zoologie et physiologie expérimentale est en voie d'installation dans une maison située dans le voisinage de la Faculté des Sciences. La location de cette maison, sur laquelle il s'est empressé d'écrire Institut de Zoologie, lui vaudra d'ailleurs un blâme de la part du Ministre (ce ne sera pas le seul !). Mais les recherches de Giard étant principalement tournées vers la zoologie marine, il essaie d'implanter un laboratoire sur la côte : " le laboratoire de zoologie maritime que Monsieur Giard essaie d'installer à Wimereux... ", dira le doyen dans son rapport annuel. Grâce à la détermination de Giard, peut s'ouvrir en 1874 le Laboratoire de Wimereux (fig. 3), au lieu-dit La Pointe-aux-oies (commune de Wimereux, Pas-de-Calais), laboratoire que l'AFAS (Association Française pour l'Avancement des Sciences) " a bien voulu prendre sous son patronage et aider de ses finances... "

Fig 3. - Le labo de Wimereux

Pendant ce temps, un Institut de zoologie est annexé à la Faculté " grâce à la générosité de la ville qui a pris à sa charge les frais d'installation ".

à partir de 1874, la Zoologie prit un essor considérable. Plusieurs licenciés ès-sciences entreprirent, sous la direction de Giard, des thèses qui " produisirent un certain étonnement sur le jury parisien " [9] car, bien entendu, il n'était de bonne thèse que de Paris... Il s'agit de Charles Barrois, Jules Barrois, Moniez, Charles Maurice, Théodore Barrois et aussi Paul Hallez.

Le 16 mars 1878, arrive enfin la création de la chaire de Botanique dans laquelle Ch. Bertrand est nommé ; il sera titularisé par le décret du 19 février 1881. Maintenant que la Géologie et la Botanique ont chacune une chaire propre, la chaire d'Histoire naturelle n'a plus sa raison d'être. Il faudra attendre toutefois le décret du 1er février 1881, pour que la chaire de Zoologie soit officiellement créée : Alfred Giard en est titulaire.

Pendant l'année scolaire 1883-84, la Faculté des sciences entre en possession des locaux devenus vacants par le transfert de la Faculté de médecine, place Philippe Lebon : l'édifice entier de la rue des Fleurs est alors occupé par les sciences.

En 1884, le mercredi 4 novembre, la rentrée solennelle des Facultés est " délocalisée " à Lille au lieu de Douai. Le Palais Rameau accueille en grande pompe les universitaires des quatre Facultés, en toge comme à l'habitude, et en suivant l'ordre de préséance : droit, médecine, sciences, lettres. La séance officielle débute à 1 heure. à 5 heures, un banquet confraternel, au Cercle du Nord, les réunit et à 8 heures, un concert est offert par la Ville au palais Rameau.

En 1886, la Rentrée solennelle a lieu de nouveau à Douai en présence de M. Spuller, ministre de l'Instruction Publique et des Beaux Arts, mais ce sera la dernière fois. L'année suivante, en effet, (22 octobre 1887), paraît le décret transférant les Facultés de Droit et des Lettres de Douai à Lille, malgré l'hostilité de la municipalité de Douai et des douaisiens, en particulier des " intellectuels ".

Simultanément, la Ville de Lille prépare, avec l'aide de l'état, la construction des bâtiments nécessaires. Toutes les Facultés en bénéficieront : elles seront implantées dans le quartier Saint-Michel, en un véritable " Quartier latin ". En particulier, la Zoologie s'installera dans l'une des ailes d'un vaste ensemble situé rues Malus, Brûle-Maison, Claude Bernard et de Bruxelles, au sein d'un Institut d' Histoire Naturelle. Mais, pour l'instant, le laboratoire de Zoologie est terriblement à l'étroit ; aussi, en 1888, une maison est louée rue Saint-Sauveur, pour abriter les laboratoires ; le déménagement a lieu en 1889.

Fig 4. - Institut de Zoologie

En 1895, les bâtiments lillois étant terminés, c'est l'installation rue Brûle-Maison. L'Institut de Zoologie y occupe la partie centrale, sur trois niveaux, bien que l'entrée (fig. 4) soit des plus modestes. Dans l'une des deux cours de 30 m sur 20 qui entourent ce bâtiment ont été construits un aquarium, un vivier et un chenil. Au rez-de-chaussée, on trouve l'amphithéâtre ainsi qu'une salle de préparation des cours, trois petits bureaux pour les thésards, le Laboratoire de zoologie appliquée et une salle de chimie.

Fig 5 - Salle de TP

Au 1er étage, ce sont la salle des travaux pratiques de licence ( fig. 5), une salle de recherches , les bureaux des professeurs. Au second étage (mansardé) (fig. 6) est installé le " service " du P. C. N.[10], la verrerie, le labo photo, un atelier de menuiserie, des réserves et deux bureaux pour des chercheurs.

Fig 6. - Labo 2ème étage

Le départ d'Alfred Giard et l'installation dans les nouveaux locaux de la rue Brûle-maison marquèrent un tournant dans le fonctionnement du laboratoire de zoologie. Les professeurs titulaires, qui s'installèrent successivement dans les chaires, inaugurèrent une ère de " monstres sacrés ". Il s'agit des trois grands savants que furent Paul Hallez, Alphonse Malaquin et Armand Dehorne. Ils ont, tous les trois, marqué la zoologie lilloise tant par leur valeur scientifique que par leur énergie organisatrice. Par ailleurs, dédaignant un avancement prestigieux et des postes mieux rémunérés, ils n'ont pas voulu quitter Lille pour Paris, contrairement à leurs prédécesseurs !

DEUXIEME PARTIE: Les monstres sacrés

Paul Hallez (1846-1938)
Paul Hallez (fig. 7) est né à Lille le 10 Septembre 1846 ; il y décédera le 2 Novembre 1938. Il débute sa carrière en 1864 comme préparateur d'Histoire Naturelle à la Faculté des Sciences dans le Laboratoire de Géologie, sous la direction de Jules Gosselet. Ce sera pour lui l'occasion de faire une communication à la Société des Sciences de Lille, en 1869, sur un Crustacé des carrières de craie de Lezennes. Il devient ensuite " répétiteur du cours de zoologie " et il soutient en Sorbonne sa thèse (1878 ou 1879 ?) réalisée à partir de travaux effectués au Laboratoire de Wimereux : " Contribution à l'histoire naturelle des Turbellariés " (Thèse de Doctorat, vol. in-4�, 225 pages, XI planches), travail qui lui vaudra la médaille d'or de la Société des Sciences précédemment citée.

Fig 7. - Paul Hallez

En 1877, est créée une Maîtrise de Conférences à la Faculté de Médecine qui sera occupée par P. Hallez de 1878 à 1881. à cette date, 16 Février 1881, un décret institue une Maîtrise de conférences rattachée à la chaire de Zoologie. P. Hallez, à sa demande, est transféré dans ce poste à la Faculté des Sciences. Il deviendra ensuite professeur suppléant de 1882 à 1888, puis titulaire de la chaire de Zoologie de 1888 à 1906. Cette année-là, à la demande de P. Hallez, la chaire de Zoologie est transformée en chaire d'Anatomie et d'Embryologie comparées (décret du 19 Juillet 1907) dont il devient le titulaire. Simultanément, grâce à une subvention de la ville de Lille, est créée une chaire de Zoologie générale et appliquée qui sera occupée par A. Malaquin. Paul Hallez prendra sa retraite le 1er novembre 1919.

Durant sa carrière, Paul Hallez remplit plusieurs charges administratives. Il fut membre du Conseil d'Université de 1902 à 1905, assesseur du Doyen de 1906 à 1907 et membre de la Commission d'hygiène de l'arrondissement de Lille (surveillance des établissements industriels du département). Après en avoir été le Vice-Président, en 1898, il deviendra, en 1899, Président de la Société des Sciences, de l'Agriculture et des Arts de Lille.

Cette activité fut couronnée par diverses distinctions. Il est promu Officier d'Académie en 1882, puis de l'Instruction publique en 1888. Il devient Chevalier de la Couronne de Belgique en 1912 puis Chevalier de l'Ordre de Léopold en 1913.

Le scientifique : un biologiste marin.

Paul Hallez laissera une oeuvre scientifique considérable : 105 notes publiées en majeure partie dans les Compte-Rendus de l'Académie des Sciences, les Archives de Zoologie expérimentale et générale, la Revue Biologique du Nord de la France, le Bulletin de la Société des Sciences.

Ces travaux sont représentés par diverses monographies qui concernent les vers plats, les Nématodes, les Bryozoaires, les Némertes, etc... P. Hallez a également procédé à la description de nouvelles espèces à partir des récoltes des expéditions Charcot dans l'Antarctique.

Paul Hallez sera le véritable fondateur de la Biologie marine à Lille. Dès son arrivée à Lille, le professeur Giard avait fondé à Wimereux, plage à l'époque guère fréquentée, un laboratoire qui, en fait, n'était qu'un modeste chalet. En 1888, le laboratoire maritime de Wimereux, qui avait été une annexe de l'Institut de Zoologie de Lille pendant quinze ans, se trouve rattaché à la Sorbonne, lors de la nomination de Giard à Paris. En effet, Giard n'avait pu " se résoudre à se séparer de son laboratoire maritime "[11]. Paul Hallez se démènera pour en recréer un autre sur la côte. Il loue alors une maison au Portel qui permet d'assurer des stages d'étudiants. C'est l'inauguration le 1er mai 1888 d'un chalet, en fait, une petite maison, bicoque basse et étroite[12].

à noter que son frère Louis Hallez fut Professeur à la Faculté de Médecine et que son fils Paul Hallez (né à Lille en 1872) fut professeur à l'école des Beaux-Arts de Lille.

En 1890, il fait l'acquisition d'une embarcation, le Béroé (fig. 8), qui permet de faire des dragages en pleine mer et fournit un abondant matériel d'études. Au fil des années, l'équipement se complète par des " accessoires ", une " chaîne ", un " treuil ", une " bouée de sauvetage ", une " boussole marine de 12 cm ", une " jumelle marine (26 lignes, 6 verres) de chez Secrétan ". Le Béroé peut maintenant naviguer... P. Hallez publiera en 1899 un important rapport sur la faune récoltée par les chercheurs du Laboratoire du Portel pendant près de dix ans de dragages.

Fig 8. - Le Béroé

En 1895, un terrain de 2140 mètres carrés est mis à disposition de la Faculté des Sciences par arrêté préfectoral. Ce terrain est situé sur le terre-plein en eau profonde de Boulogne, au pied de la digue Carnot.

Lors de la séance du 15 février 1899, le Doyen Gosselet attire l'attention du Conseil sur l'importance de l'enseignement de la zoologie maritime à la Faculté et rappelle " l'installation misérable et la situation précaire du petit laboratoire maritime du Portel qui, depuis des années, ne vit que d'ex�pédients ". Cette demande est confortée par le fait qu'un Laboratoire Maritime a été construit par l'Université de Lyon et surtout par suite de la fondation d'un Laboratoire Maritime à Ambleteuse par la Faculté catholique de Lille. En 1900, le Conseil d'Université vote les 50 000 F nécessaires à la construction du laboratoire. L'outillage et l'équipement scientifique se montaient à 16 000 F. La majeure partie fut pourvue grâce à des subventions données par le Ministère de l'Instruction publique, la Société des Sciences de Lille (1 000 F Prix Kuhlman) et l'Association Française pour l'Avancement des Sciences. Pour le reste, il fut fait appel aux instances les plus hautes, comme en témoigne le rapport annuel du Professeur Langlois, doyen de la Faculté des Lettres en 1901. " Il ne nous reste qu'à trouver 9000 et quelques centaines de francs. Par l'intercession toute puissante et toute acquise de M. le Recteur, nous les demanderons à la Providence qui ne nous fera pas défaut dans cette nécessité ". En fait, il semble que la Providence ait été représentée par un emprunt et par une souscription faisant appel à l'intervention de généreux donateurs.

Le laboratoire réalisé (fig. 9) est un bâtiment de 31 mètres de long sur 11 mètres de large. Il renferme des salles d'étude et un aquarium (fig. 10) alimenté par une pompe d'eau de mer capable de débiter 50 mètres cubes à l'heure. " L'installation de l'aquarium et la qualité de l'eau sont telles que des Méduses, des Bryozooaires, des Serpules, etc... ont pu se reproduire et que leurs larves, après avoir franchi la période critique de fixation, ont continué à évoluer dans les bacs " (Rapport du Doyen Damien, 1904).

Fig 23.-Escalier en bois de l'Institut de Zoologie de Lille avant travaux.

L'Université de Lille fête son quatrième centenaire en juin 1960 par des réunions, réceptions et cérémonies d'un éclat exceptionnel. La Faculté des Sciences, bien que beaucoup plus jeune puisque son premier doyen fut Pasteur (1854-1857), y est étroitement associée. à l'invitation du Recteur Debeyre, un grand banquet a lieu le vendredi 3 juin à l'établissement thermal de Saint-Amand. Le lendemain, samedi, une séance solennelle de l'Université est réunie, au Grand Théâtre de Lille, sous la présidence de Louis Joxe, Ministre de l'éducation Nationale. Le corps professoral, en toge, défilera (fig. 24) en ville.

Fig 24.- Défilé du corps professoral de l'Université de Lille en 1960

En 1961, le doyen Lefebvre part pour l'INSA de Lyon. à sa place, est élu doyen Michel Parreau, professeur de Mathématiques, tandis que Maurice Durchon, professeur titulaire de la chaire de Zoologie générale et appliquée, devient assesseur, succédant à M. Rouelle, démissionnaire.

La chaire de Chimie Biologique est créée le 1er décembre 1963 : Jean Montreuil en est le premier titulaire

A la même date, E. Vivier est nommé, au C.S.U. d'Amiens, titulaire de la chaire de Biologie animale.

E. Vivier et F. Schaller sont faits chevaliers des Palmes Académiques. De son côté, R. Joly reçoit le Prix de la Société de Biologie de Lille.

Pendant toute l'année scolaire 1963-64 se prépare activement, sous la présidence du Recteur Debeyre, le Congrès de l'A.F.A.S. (Association Française pour l'Avancement des Sciences). Ce congrès qui regroupera un très grand nombre de scientifiques de tous horizons et de toutes disciplines doit se tenir à Lille en Juillet 1964. Sous l'impulsion de F. Schaller, nommé Secrétaire général du Comité d'organisation, un exécutif, composé de deux secrétaires et d'un trésorier, est chargé de la préparation matérielle de l'accueil des congressistes et de l'organisation des sessions dans les différents bâtiments de la Faculté des Sciences et du C.R.D.P. pour les séances solennelles. Ce très gros travail leur vaudra la Médaille de l'Association Française pour l'Avancement des Sciences.

L'année 1964-1965 voit la fin du décanat de M. Parreau et l'arrivée du doyen Tillieu. Celui-ci réorganise la direction de la Faculté, mettant en place un " Conseil d'Administration ", réunion d'un petit nombre de professeurs volontaires. Il s'agit de MM. Defretin, Delattre, Durchon, Heubel, Lebrun et Parreau : l'Institut de Zoologie est relativement très bien représenté.

Plusieurs distinctions sont à noter cette année-là. René Defretin est fait chevalier de la Légion d'Honneur (12 Juillet 1965). Emile Vivier et François Schaller sont nommés chevaliers de l'Ordre du Mérite pour la Recherche et l'Invention (28 Avril 1965).

Le campus.

Dès 1964, des bâtiments, dits " d'urgence ", avaient été édifiés, à proximité de Lezennes, sur la partie sud-ouest de la future Cité scientifique. Ces bâtiments comprenaient des amphithéâtres de 700 places (sans sonorisation, mais non insonorisés !) et des salles de T.P. Ils étaient destinés à accueillir les étudiants préparant leur entrée en Médecine (CPEM). Aujourd'hui certains de ces bâtiments sont toujours debout ! C'est le cas d'un bâtiment qui a accueilli successivement les salles de T.P. de Biologie animale, les locaux du C.A.U.L. (Centre d'animation de l'Université de Lille, créé et animé par Nicole Dhainaut-Courtois) et les salles de langue du CUEEP.

Ce n'est toutefois qu'en 1966 que les bâtiments définitifs furent achevés. Le Musée d'Histoire naturelle utilisera progressivement les lieux abandonnés par la Zoologie et poursuit, encore actuellement, leur réhabilitation - avec des crédits municipaux et des subventions du ministère de l'éducation nationale - en vue d'assurer une meilleure conservation des objets de ses collections.

Le déménagement eut lieu durant les mois de juin et de juillet de 1966. Les locaux, à peine secs, paraissaient bien grands à cette époque après l'exigu&imul;té de ceux de la rue Gosselet. Les photos du campus d'alors montrent un environnement très différent de l'actuel. Les plantations d'arbres ne seront effectuées que quelques années plus tard et l'absence de tout ombrage rappelle amèrement que le campus s'est édifié sur des champs de betteraves. Par ailleurs, les communications avec Lille étaient des plus réduites, ni métro ni voie express, seules deux routes étaient possibles : celle de Lezennes et ses pavés, celle par Fives et Hellemmes et ses feux rouges !

Le printemps de 1968 fut marqué par deux évènements simultanés quoique d'importance fort inégale. Le Congrès de Microscopie électronique et les journées historiques.

Le colloque devait se dérouler à partir du vendredi 11 mai ; Emile Vivier en était le responsable. Les conférences se déroulaient dans le bâtiment SN1, l'exposition scientifique au rez-de-chaussée du bâtiment SN2, alors inutilisé. L'inauguration devait se dérouler en présence de Maurice Schuman, Ministre de la Recherche, ce qui n'était pas sans inquiéter les autorités préfectorales, des manifestations étant prévisibles. Un petit subterfuge permit la dernière visite d'un Ministre en exercice au sein d'une Université. Les hôtesses d'accueil, à la demande d'Emile Vivier, répandirent la nouvelle que l'inauguration officielle avait lieu à 11 heures ; en fait le Ministre, sans escorte et dans une voiture banalisée, avait inauguré en toute tranquilité le colloque dès 9h30.

L'excursion prévue à Dunkerque se heurta à la grève du bâteau chargé de la visite du port. Les congressistes se répartirent dans de petits chalutiers et ils apprécièrent au retour un concours de tir à l'arc à la perche à Bailleul, les archers étant fidèles au poste. La fin du colloque fut un peu accélérée, les congressistes étant plus préoccupés de leur retour, à cause des grèves dans les chemins de fer, que des beautés de la microscopie électronique !

Par ailleurs, mai 1968 fut le point de départ de beaucoup de réflexions et d'idées nouvelles. L'Université en sortit profondément modifiée. La loi d'orientation soumise au Parlement en septembre par Edgar Faure, ministre de l'éducation Nationale, procédait à une réorganisation complète sur des bases nouvelles avec notamment des regroupements d'entités auparavant séparées. L'ancienne Faculté des Sciences s'intégrait dans l'Université de Lille I ou Université des Sciences et Techniques de Lille. René Defretin, qui avait été élu doyen en 1966, dut assumer cette période troublée. Après l'approbation des statuts de l'université en 1970, il sera élu Président de l'Université des Sciences et Techniques de Lille. Il assumera cette charge jusqu'en 1973, date de son départ en retraite. Son décès surviendra le 9 août 1984

L'année 1970 marque donc une date importante : l'histoire de la Faculté des sciences se termine pour laisser la place à celle de l'Université des Sciences et Techniques.

Près de 120 ans s'étaient écoulés depuis la fondation. Pendant cette période, patiemment, parfois dans des circonstances très difficiles, des hommes ont construit des pans entiers de la Zoologie. Une partie de ces constructions a été érodée par le temps ; elles constituent néanmoins le socle indispensable sur lequel ont pu se développer les recherches actuelles.

 Notes:

  1. La ville nouvelle de Lille-est qui deviendra Villeneuve d'Ascq n'existe pas encore.
  2. Certificat aux Etudes Médicales qui a remplacé en 1962 le PCB
  3. du nom du Ministre de l'Education Nationale qui la met en application.
  4. Sciences Physiques, Chimiques et Naturelles, certificat de Propédeutique indispensable pour effectuer des études de sciences naturelles, instauré en 1945.
  5. Selon les époques et les régimes, son nom s'orthographiera aussi Lacaze du Thiers
  6. la rue des Fleurs a disparu après la guerre de 1914-1918
  7. Cité par P. Hallez, L'Institut de Zoologie, in Lille et le Nord en 1909, p.130.
  8. P. Hallez, Ibid., p.130
  9. P. Hallez, Ibid.
  10. Certificat de Physique, Chimie, Histoire naturelle destiné aux futurs étudiants en médecine.
  11. M. Caullery. Notice nécrologique de A. Giard. Association des Anciens de l'Ecole Normale Supérieure.
  12. P. Hallez. Le laboratoire maritime deu Portel. In Lille et le Nord en 1909, T I, p. 136
  13. In Mémoires de la Société des Sciences, de l'Agriculture et des Arts de Lille, 477p, XIV pl. HT, L.Danel, Lille.
  14. Rapport sur la situation de l'Enseignement Supérieure à Lille, années 1931-1932
  15. Discours prononcé lors de ses funérailles par le Président de la Société des Sciences
  16. Discours prononcé par Malaquin, lors de la Séance Solennelle de la Société des Sciences, 1927
  17. Recherches sur la division de la cellule. II Homéotypie et hétérotypie chez les Annélides polychètes et les Trématodes (Arc. Zool. Exp. Gén. , Schultz, Paris).
  18. Le terme n'est plus guère utilisé aujourd'hui. Il désigne un ensemble de mitochondries.
  19. L'existence de cet organite a été très longuement discutée. La structure de l'appareil de Golgi, souvent considéré comme un artéfact, notamment par les biochimistes, n'a été bien comprise qu'avec l'avènement de la microscopie électronique dans le courant des années 1960.
  20. Cette Annélide détache ses segments un à un. Chaque segment bourgeonne et reproduit un individu complet qui, lui-même, va donner naissance à d'autres individus, toujours par un processus complexe de reproduction asexuée.
  21. A. Peragallo. Armand Dehorne - Poète du Nord - 1882-1971. Coll. Jalons, Barre Dayez, editeur , Paris
  22. Ce terme étrange d'orchestrion a été inspiré à Armand Dehorne, selon Peragallo, par les orphéons et les pianos mécaniques géants qui existaient dans les estaminets et dans certains cinémas du temps du muet. Dehorne le décrit ainsi: " l'orchestrion géant concasse les étoiles...."
  23. Rapport du doyen Damien.
  24. Plusieurs objets en cuivre sont ainsi réquisitionnés au Laboratoire de Zoologie ( cf. le registre d'inventaire).
  25. Cette espèce disparaîtra ultérieurement de ce cours d'eau, sans doute par suite de la pollution.
  26. Alauda XIX, 1951.
  27. C.R. Acad. Agriculture, Décembre 1951.
  28. Annales de l'Institut océanographique, T 24, fasc. 2.
  29. Il fondera bientôt le laboratoire de Chimie Biologique.
  30. " Recherches sur le peuplement entomologique de l'étage montagnard Guinéo-équatorial du Mont Nima ( Guinée).
  31. Centre Universitaire Scientifique, dépendant de la Faculté des Sciences de l'Université de Lille
  32. Alfred Capuron est décédé en 1997 et F. Schaller en 2001.

Nous avons essayé de rassembler à la fin de ce document les photos du personnel du laboratoire en 1970. Quelques visages manquent dont nous n'avons pas retrouvé les photos. Nous le regrettons.

Les auteurs.